Immenses couloirs déserts, moquette rouge très épaisse… Quand on met pour la première fois les pieds au Sénat, on ne peut qu’être frappé par l’impression de sérénité qui se dégage du lieu. Sentiment décuplé quand on croise un sénateur qui, du haut de son grand âge, porte sur le monde un regard de vieux sage. Mais attention, derrière ce vénérable décorum se cachent des passions très fortes qui ne demandent pas grand-chose pour s’exprimer. Par exemple, une loi « moralisation » qui remet en cause bon nombre d’avantages des parlementaires – même ceux aux cheveux blancs – : possibilité d’employer son conjoint, remboursement de ses frais sans justificatif, utilisation d’une réserve parlementaire pour s’adonner au clientélisme… Très énervés, certains sénateurs se sont lâchés et ont déposé des amendements assez croquignolets pour modifier ce texte visant à « rétablir la confiance dans la vie publique ». C’est l’un des aspects amusants – et méconnus – de la fabrique de la loi : tout parlementaire peut demander à modifier à sa guise le projet gouvernemental, à condition de fournir une justification, même farfelue (incluse dans la partie « objet » de chaque amendement). La chance de voir aboutir ces coups de colère est faible, mais pas nulle. Pour la loi « moralisation », on va le savoir très vite : son examen en séance débute ce lundi.
Commençons par les propositions du sénateur de l’Eure Hervé Maurey, qui a bien voulu les détailler pour Les Jours. Depuis 2008 qu’il siège au palais du Luxembourg, cet adhérent de l’UDI emploie sa femme, Laurence. Dans un premier temps, l’intéressé ne l’a pas crié sur les toits. Dans sa déclaration d’intérêt de 2014, cette dernière était inscrite sous son nom de jeune fille : « Fané ». Puis, au moment de l’affaire Fillon, interrogé par la presse locale, il s’est ainsi justifié : « Je travaille avec ma femme depuis 2004. En 2008, quand j’ai été élu sénateur, je l’ai logiquement recrutée comme assistante parlementaire. Ça me permet de passer plus de temps avec elle compte tenu de mon emploi du temps chargé. » Oui, mais la loi « moralisation » veut interdire à tout parlementaire l’embauche de son conjoint, et prévoit de mettre fin à tous les contrats de travail existants. Hervé Maurey va être obligé de licencier sa femme et la verra donc beaucoup moins.

Que faire quand l’équilibre de son couple est menacé ? D’abord essayer de faire annuler la proposition gouvernementale. Hervé Maurey a donc déposé un amendement, le «