C’est une drôle de cohabitation. Un frottement inédit. Les militants d’En marche qui se sont engagés sur la foi du renouveau voient à présent débouler des politiques à l’ancienne. Ils sont les « nouveaux visages » vantés par Emmanuel Macron, les voici rejoints par les figures plus ou moins connues de la scène politique. « La base du mouvement ne saute pas de joie de voir les vieilles gloires ; on vit avec », raconte un adhérent du XIe arrondissement de Paris. Les journaux font des décomptes quotidiens de cette « auberge espagnole » dont la simple lecture laisse souvent perplexe : les noms accolés de Dominique Perben et Robert Hue, Daniel Cohn-Bendit et Alain Madelin, font de cocasses juxtapositions. Manuel Valls, Jean-Yves Le Drian ou Bertrand Delanoë sont, à gauche, parmi les derniers poids lourds à afficher leur préférence pour Emmanuel Macron, alimentant, à droite, la thèse de la continuité du hollandisme. Dans les comités, les habitants de la planète Marche observent les ralliements. Et espèrent que les aspirations des derniers venus ne dénatureront pas un mouvement que, simples citoyens, ils se sont approprié avec ferveur.
Salle Olympe de Gouges, dans le XIe arrondissement de Paris, le 29 mars. Les militants d’En marche attendent l’humoriste Yassine Belattar qui est là pour parler du populisme (et de comment le combattre). BFMTV est dans la salle et interroge les spectateurs sur un seul sujet, qui n’a rien à voir : la future « majorité présidentielle » d’Emmanuel Macron. Le matin même, Manuel Valls a annoncé qu’il voterait Macron dès le premier tour, écrasant les promesses de loyauté formulées au moment de la primaire socialiste. Devant la caméra, le député PS des Alpes-de-Haute-Provence, Christophe Castaner, rallié de longue date à En marche, déroule le message officiel de son candidat. Il explique que tous les jours, des nouvelles personnes rejoignent le mouvement, que c’est plutôt une bonne nouvelle, que les défections, elles, ont lieu dans les autres camps, qu’il y a là une dynamique, que cela n’influencera pas le programme, que ça ne change rien à la méthode. Je m’éloigne, ce n’est ni la première fois ni la dernière que j’entends ces arguments. À quelques rangées de là, je retrouve Marianna Mendza. Référente En marche du XIe arrondissement, elle gère 2 300 adhérents et une douzaine de comités. Valls, cela ne lui fait « ni chaud, ni froid » : « Ça ne change rien à la donne », balaye-t-elle en souriant.
Sur scène, sans notes, face à un public plutôt mou de 250 personnes, Yassine Belattar évoque lui aussi le nom de Manuel Valls à qui il reproche d’avoir voulu vérifié qui était « Charlie » et qui ne l’était pas, et d’avoir « sorti une partie de la France du deuil » après les attentats de 2015.