Soudain, la violence a fait irruption. Et ils l’ont prise en pleine face. Les néomilitants dEn marche n’étaient pas préparés. Ils ne s’y attendaient pas. Tout neufs en politique, pas forcément aguerris, ils se sont engagés dans des comités locaux, sur la base de la « bienveillance » revendiquée dans le mouvement d’Emmanuel Macron : c’est-à-dire de l’écoute, du respect, etc. Pas d’invectives, ni d’injures. Pas de sifflets. Depuis les résultats du premier tour, ils se disent « surpris » de la brutalité qu’ils découvrent chez des mélenchonistes dépités ou des lepénistes triomphants et facilement agressifs, comme leur candidate lors du débat de l’entre-deux-tours. Emmanuel Macron n’est plus un adversaire ; il est devenu l’ennemi. Les militants d’En marche se retrouvent de fait le réceptacle de cette détestation. « La première fois, on est surpris », confie Maria Paz Usach Fave, une adhérente active en Bourgogne qui a essuyé un « voleurs ! » et même un « grosse merde ». « On n’a pas suivi une formation pour gérer cette violence. Mais je ne me laisse pas atteindre. »
Dès le lendemain du premier tour, les appels ont afflué au standard du QG d’En marche. « C’est un flux continu depuis lundi, explique Patrice Flory-Celini, un « helper » (un bénévole) de 45 ans, qui y fait du « phoning » tous les jours, ou presque, depuis trois semaines. « Avant le premier tour, il y avait beaucoup de questions, notamment de la part de retraités, et quelques appels de dénigrement. Là, c’est acerbe, insultant, ils utilisent le tutoiement, disent “va te faire foutre”. » Une personne sur trois profère des insultes, évalue-t-il. « Parfois, ce sont des trolls, il y a des numéros qu’on repère. Certains veulent nous démoraliser, faire de l’intoxication », explique-t-il. « Les attaques se concentrent beaucoup sur l’homme » à qui on reproche sa fiesta à La Rotonde, mais aussi son passé de banquier ou sa vie privée (son épouse plus âgée, sa prétendue homosexualité). Depuis peu, il y a aussi beaucoup de propos racistes, complète le militant, calme mais inquiet.
Cela a commencé un peu avant le dimanche d’élection. « Ceux qui refusaient les tracts avant n’étaient pas désagréables, c’était relativement tranquille », se souvient Maria Paz. Mais la campagne s’est tendue. Sur le terrain, les militants d’En marche ont senti la détérioration du climat. « Il a des moments hard », confirme une militante parisienne. Une autre, adhérente du XIe arrondissement qui tractait pour Macron, a reçu un crachat.