Ils ont une « joie grave ». Ce soir, les militants d’En marche du XIe arrondissement de Paris, réunis dans un bar où ils ont leurs habitudes ne dansent pas sur les tables, ne crient pas. Bien sûr, ils sont « contents », « soulagés » parfois. À l’heure des résultats, ils ont entonné le traditionnel « Macron président ! », qu’ils ont scandé pendant toute la campagne. Cette fois, ils l’acclament alors qu’il est élu à 65,8 %. Mais sans frénésie. « Ce n’est pas léger comme victoire, réagit Élise, une militante active depuis des mois. Il y a les fractures dans le pays, on est conscients de tout ce qui vient. On a fait une belle campagne, digne – j’en suis fière dans ce climat tendu et agressif –, mais il faut arriver à réconcilier. On sait que l’attente est immense. C’est lourd. »
Marianna Mendza a, elle aussi, des sentiments mélangés, ce soir. « Je me sens un peu bizarre », confie-t-elle. Référente de l’arrondissement, elle est également candidate à l’investiture pour les législatives. Elle a tenu à passer au café avant d’aller au Louvre, pour voir les bénévoles investis dans les comités locaux. Avant 20 heures, elle croisait les doigts, et espérait que Marine Le Pen soit en dessous des 35 %. « On est loin des 80-20 de 2002, quand même. Avec l’abstention, on voit une banalisation du FN. » Comme Élise, elle sent aussi ce « poids », cette « responsabilité ». « Le pays est tellement divisé. J’ai l’impression que c’est la dernière chance… Il a intérêt à réussir. J’espère qu’il va faire les réformes qu’il faut et faire baisser le chômage. »

Le Mecano Bar, où les militants d’En marche du XIe sont réunis ce soir, c’est un peu leur QG. Là où ils se retrouvaient tous les jours pour partir en « expédition porte-à-porte » dans le quartier, là où ils ont regardé, ensemble, les débats télévisés durant la campagne. Ils ont planté des ballons multicolores dans le décor, affiché des posters de Macron. Sur une table, il y a des badges, des drapeaux tricolores, on peut se servir. Ils se connaissent. Cela fait des mois qu’ils se réunissent. D’abord pour parler « travail », « santé », « éducation, « écologie » ; puis pour se mobiliser pour battre campagne. La plupart sont des néophytes. Les plus anciens ont fait la « grande marche » l’été dernier, comme Bouchra Nazzal. « Il nous a permis de croire en la politique, et à quelqu’un comme moi de s’y investir », me dit l’un d’eux. Ces nouveaux venus ont fait un apprentissage express de la politique, y compris de sa violence (lire