Ah, l’amphi Boutmy ! Tout ancien étudiant de Sciences-Po a forcément des choses à vous raconter sur ce lieu symbole de l’école parisienne, avec sa baie vitrée donnant sur un petit jardin situé entre la rue Saint-Guillaume et celle des Saint-Pères, dans le VIIe arrondissement. Moi, c’est là que, à 19 ans et élève de première année, j’ai entendu le politologue Alain Lancelot et (feu) l’historien René Rémond nous annoncer, à moi et aux 300 élèves présents, que nous étions « l’élite de la nation » (ne me dites pas que c’est faux, je le crois encore !). C’est là aussi que je me suis ennuyé à mourir en écoutant Michel Pébereau (ex-PDG de BNP Paribas) m’expliquer d’une voix monocorde les sacro-saintes règles de l’économie libérale. Et c’est depuis les places du fond que j’ai fantasmé sur la jeune fille brune qui se trouvait à quelques rangs devant moi… Arrêtons-là les souvenirs. Car l’amphi Émile-Boutmy, je peux y retourner jusqu’à ma mort. Et même après.
En effet, je viens de recevoir une lettre de l’école m’indiquant que je peux garder ma « place en Boutmy » pour les 99 ans qui viennent. Enfin, plus précisément, pas moi, mais mon patronyme. Sciences-Po Paris me propose en effet d’apposer une plaque à mon nom sur un siège de l’amphithéâtre. Celle-ci pourra être en bronze, en argent, en or ou en platine. Et que me vaut cet honneur ? Est-ce que parce que j’ai révolutionné le journalisme en cofondant Les Jours ? Même pas. Tous les anciens diplômés de Sciences-Po