Il jouait au Robin des Bois africain en faisant pression sur les collectionneurs européens qui volent ou recèlent des œuvres d’art du continent. Et voilà le mécène et homme d’affaires d’origine congolaise Sindika Dokolo, président d’une fondation dédiée à l’art africain, accusé d’avoir pillé l’Angola. Le paradoxe est savoureux ; la réalité, assez désespérante, sachant qu’on ne parle pas de quelques masques et statuettes dérobés, mais de centaines de millions de dollars détournés. Celui qui est l’époux d’Isabel dos Santos, la fille de l’ex-président angolais, est, avec sa femme, la vedette des « Luanda Leaks ». Cette enquête, publiée le 19 janvier dernier, a été menée par le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) à partir d’une fuite de données géante
Jusqu’au 6 octobre dernier, la fondation Sindika Dokolo était ainsi à l’honneur de Bozar, le prestigieux palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L’exposition incarNations, African Art as Philosophy présentait 150 œuvres appartenant au financier : des statuettes datant de plusieurs siècles ainsi que des photos et des installations vidéo contemporaines. Soit une toute petite part des 5 000 pièces qui composent une collection que son propriétaire estimait en 2016 à 50 millions d’euros. Lors du vernissage, en juin, l’homme d’affaires avait prononcé un discours digne d’un militant décolonial. « Réapprenons, nous les Africains, à nous regarder. Désapprenons ce que l’œuvre coloniale nous a imposés et apprenons à nous célébrer », avait-il lancé, sous les applaudissements d’un large public. Ne laissant à personne d’autre le soin de faire son propre éloge, il avait aussi longuement cité le cocurateur de l’exposition (lui-même étant le second), le Sud-Africain Kendell Geers : « Kendell m’a dit, ce qui m’a vraiment frappé : “Tu penses avoir deux collections : une collection d’art contemporain et une collection d’art classique. Tu te trompes. C’est une erreur grossière.