Savez-vous que le contenu de la prochaine loi de finances peut produire un suspense aussi haletant qu’un Hitchcock ? Prenez le scénario suivant : c’est l’histoire d’un milliardaire – appelons-le Bernard – qui, avec sa fondation Louis Vuitton et par la grâce d’un système fiscal extrêmement favorable sur le mécénat d’entreprise, a économisé près de 520 millions d’euros d’impôt. Il est ami avec le président de la République – s’appelant, comme vous vous en doutez , Emmanuel –, qui demande à son gouvernement de diminuer les niches fiscales des entreprises afin de financer les mesures prises pour calmer la fronde des gilets jaunes. Dans le gouvernement, il y a Bruno, un ministre de l’Économie qui, également poussé par son administration, naturellement économe, promet de réduire l’avantage fiscal du mécénat. Il est soutenu par quelques députés de la majorité qui veulent inclure la réforme dans le prochain budget, mais ces derniers doivent faire face à un lobbying du monde des fondations d’entreprise, relayé par des élus qui appartiennent à la même majorité… Alors, que va-t-il se passer ? Qui va gagner ? Les finances publiques ou Bernard et les riches mécènes qui aiment bien donner mais ne détestent pas diminuer leur impôt ? On a bien dans l’idée que les amis du Président ne risquent pas grand-chose, mais rien n’est acquis. La réforme de la fiscalité du mécénat, c’est mystérieux comme un film de David Lynch cette fois : les discours publics peuvent produire des interprétations totalement contradictoires.
Ainsi, suivant les titres de presse, le devenir de l’imposition du mécénat varie du tout au rien. Exemple avec cinq articles, les quatre premiers parus dans la journée du 11 juillet. À 10 heures ce matin-là, Le Monde nous apprend que « les niches sur le mécénat et le crédit d’impôt recherche ne seront finalement pas concernées [par les arbitrages gouvernementaux] avant 2021 ». Pas du tout, croit savoir L’Usine nouvelle, qui, à 15 h 37, écrit : « La niche sur le mécénat d’entreprises va également subir un coût de rabot l’an prochain, d’un montant pour l’instant non précisé. Les concertations sont encore en cours. » Un point de vue corroboré par L’Opinion qui, à 17 h 45, publie un article dans lequel on peut lire : « Les arbitrages interministériels, compliqués, ne sont toujours pas rendus. » Mais, dans la soirée, Le Parisien publie une information similaire à celle du Monde.