En ce lundi 1er juillet, le thermomètre, qui affiche plus de 35 degrés, n’a pas découragé le beau monde à venir assister à l’inauguration des cinquantièmes Rencontres d’Arles. Dans la cour Fanton, à deux pas du Rhône, souvent un éventail à la main, on peut voir trois anciens ministres de la Culture (Jack Lang, Aurélie Filippetti, Françoise Nyssen), l’actuel en poste venu faire un long discours (Franck Riester), le président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Renaud Muselier)… Et puis, assise à côté de Jack Lang, portant lunettes de soleil et haut noir bouffant, il y a celle que La Provence appelle « la mécène » : Anne-Marie Hoffmann, dite « Maja » (à prononcer comme l’abeille).
À première vue, cette femme de 63 ans de nationalité suisse ne paie pas de mine, mais elle est en fait la personne de l’assistance qui compte le plus pour Arles. Maja Hoffmann a beaucoup, mais alors beaucoup d’argent, et elle a décidé d’utiliser ses millions pour installer dans cette ville de plus de 50 000 habitants une fondation dédiée à l’art contemporain, y faire construire une tour de plus de 50 mètres de haut visible à des kilomètres à la ronde, et racheter les hôtels de luxe de la ville. Du coup, comme tout officiel qui se déplace à Arles, c’est dans les locaux pas complètement achevés de sa fondation (qui doit ouvrir officiellement en 2020) que Franck Riester s’est ensuite rendu, afin de présenter ses respects à la véritable première dame d’Arles.
Il se passe quelque chose d’inédit dans cette petite ville du Sud de la France. La cité est en train de devenir un laboratoire à ciel ouvert de ce que pourrait donner un monde dans lequel on confierait directement le pouvoir aux riches. D’un côté, les Arlésiens vivent avec l’espoir de voir ruisseler l’argent sur une ville désindustrialisée et connaissant un fort taux de chômage (13,4 % de la population active). De l’autre, on se retrouve avec une mécène qui veut faire le bien de « sa » ville en l’aménageant à sa convenance sans rendre de compte à personne.
À l’origine de cette relation singulière entre Arles et Maja, il y a une histoire familiale, celle des Hoffmann, propriétaires du groupe pharmaceutique suisse Roche, fondé à la fin du XIXe siècle. Le père de Maja, Hans Lukas, dit Luc Hoffmann (1923-2016), était un zoologue et défenseur de la nature.