Les tulipes, un cadeau à la Koons

Une sculpture de 12,6 mètres de haut représentant une main tenant un bouquet de onze tulipes de toutes les couleurs. Voilà ce que vont pouvoir voir les Parisiennes et les Parisiens (et les touristes) à partir du vendredi 4 octobre dans les jardins des Champs-Élysées, près du Petit Palais. Hommage des Américains aux Français endeuillés par les attentats de 2015-2016, ce Bouquet of Tulips imaginé par l’ex-ambassadrice des États-Unis Jane Hartley et réalisé par Jeff Koons est enfin inauguré, trois ans après que l’artiste plasticien américain a annoncé qu’il l’« offrait » à la ville de Paris. Entre-temps, il y a eu quelques péripéties politico-diplomatiques : une pétition d’artistes pour inciter la mairie de Paris à renoncer au projet et des atermoiements sur le lieu d’installation de l’œuvre. Il était d’abord prévu que ce soit l’esplanade devant le Palais de Tokyo, avant de se rabattre sur un endroit plus caché, près de la place de la Concorde.

Cette œuvre, vous avez intérêt à l’aimer. Car malgré les affirmations passées de la maire de Paris, Anne Hidalgo, sur ce « cadeau des États-Unis » qui « ne coûte rien », nous allons – en partie, et de manière indirecte – la payer. Sur les 4,5 millions d’euros qu’ont coûté la fabrication et l’installation de cette sculpture mastoc (elle pèse 33 tonnes, est faite de bronze, d’acier et d’aluminium), Jeff Koons n’a déboursé qu’un million. Le reste – 3,5 millions – provient de mécènes. Ce sont des riches philanthropes américains qui ont donné, mais aussi – et on n’a appris que très récemment leurs noms – des milliardaires français : Bernard Arnault et Xavier Niel en sont, tout comme le groupe Accor, la banque Natixis, le cofondateur de Vente privée Michaël Benabou, ainsi que les financiers Didier Le Menestrel et Christian Gueugnier (à travers leur holding commune, Weber Investissements). Et, comme expliqué dans les précédents épisodes de cette obsession, grâce à la loi sur le mécénat (lire l’épisode 1, « Le mécénat, c’est vraiment très intéressé »), tout ce beau monde pourra diminuer son impôt grâce à ce geste « désintéressé ». Le coût potentiel pour les finances publiques est d’au moins un million d’euros…

Si on a voulu vous parler de ce cadeau payé par d’autres, c’est qu’il est exemplaire des non-dits qui règnent dans le petit monde des riches qui font du mécénat. Officiellement, on est animé par des sentiments nobles en donnant : l’objectif, c’est de faire le bien.