Agadez, envoyée spéciale
La petite télé est branchée sur les infos de TV5 Monde Afrique. Issa Ikilila, ex-passeur à Agadez, au nord du Niger, augmente le son. Les titres du journal tournent autour de la migration : les renvois de Gambiens depuis la Libye, les initiatives d’accueil citoyennes en Belgique. L’écho des débats européens résonne curieusement dans cette ville-carrefour. Avant l’application de la loi interdisant le transport de migrants en 2016, Agadez était un passage obligé vers le nord, sur la route de la Libye et les côtes européennes – route que je remonte dans l’autre sens. Désormais, les candidats à l’exil se font plus discrets. Issa Ikilila, lui, passe ses journées assis sur un banc dans le petit bureau de l’association d’appui aux migrants et aux refoulés, fondée par l’ancien passeur et ses collègues en 2012, quand les concurrents toubous sont arrivés sur le marché du transport vers la Libye (lire l’épisode précédent, « À Agadez, l’impasse des anciens passeurs »). Aujourd’hui, Ibrahim Mamane, ancien passeur lui aussi, l’a rejoint, histoire de tuer le temps. Sur le mur, une pancarte écrite à la main prévient, en cinq points, des risques de la traversée du désert : « 1. Accident, 2. Souffrance, 3. Maladies, 4. Soif, 5. Mort ».
« Nous, on connaît les migrants mieux que tout le monde, on sait ce qu’ils ont dans la tête », plaide Ibrahim Mamane.