À Paris règne une frontière invisible mais immémoriale, celle du clivage politique. Dans l’ouest, on est de droite ; dans l’est, de gauche. Cette division géographique est née au XIXe siècle et, malgré le temps qui passe et les générations qui se succèdent, elle n’a jamais disparu. Ainsi, les Communards de 1871 n’ont pas grand-chose à voir avec les bobos qui ont porté Bertrand Delanoë à la mairie en 2001, mais tous vivaient plus près de la place de la République que des Champs-Élysées. Quant aux bourgeois des VIIe et XVIe arrondissements, cela fait bien longtemps qu’ils ne vont plus à la messe tous les dimanches, mais cela ne les empêche pas d’être convaincus que les partis de gauche sont le diable et de voter quoi qu’il arrive pour la droite… Cette tendance lourde ancrée dans la géographie parisienne, alliée à un système de scrutin par arrondissement, explique en grande partie la stratégie des trois principales prétendantes actuelles à la mairie. Et donc l’issue de l’élection, dont le premier tour se déroule ce dimanche

Pour comprendre comment influent les clivages géographiques sur les messages politiques, prenez cette déclaration d’Anne Hidalgo lors de la présentation de son programme pour le vélo, le 28 janvier dernier. « Vous avez aimé la saison 1 ? Vous adorerez la saison 2 », promet alors la maire sortante de Paris, en détaillant une nouvelle « vélorution » et, d’ici à 2024, « 100 % des rues qui seront cyclables ». Or, si vous habitez Paris et avez un peu de mémoire, vous vous souvenez de tous les travaux qu’il a fallu réaliser pour installer les pistes pendant la mandature qui s’achève. Et de tous les bouchons qu’ils ont entraînés. « Hidalgo démission » est alors devenu un cri de ralliement pour (certains) automobilistes coincés dans leur voiture (moqué ici). Et voilà que la candidate socialiste promet de tout refaire à l’identique ? Il y a de quoi s’interroger sur son état mental… Eh bien, pas du tout ! Car ses électeurs potentiels ne seront pas du tout gênés par le retour des chantiers : ils n’ont pas de voiture. Le taux d’équipement automobile moyen des ménages dans la capitale est très bas, 35,2 %, soit le plus faible de France. Et là où il est le plus fort, c’est dans les XVIe, VIIe et VIIIe, trois arrondissements qui vote(ro)nt à droite quoi qu’il arrive.