De Marseille
Comment ça commence, une obsession sur l’OM ? Mal. Et comment ça se termine ? Mal, toujours. Et entre-temps ? Ça craint. Non, on déconne. Parce que c’est un conte de fées : un Amerloque sans doute barjot et full to the aces achète pour 45 patates, une misère, un club de foot français à une Russe prénommée Margarita qui ne savait plus quoi en faire depuis que son mari Robert Louis-Dreyfus, dit « RLD », a cassé sa pipe. En treize ans, RLD y a perdu quelques dizaines de millions d’euros et gagné une condamnation en correctionnelle – pire, un an après sa mort, en 2010, l’Olympique de Marseille a été sacré champion de France, un titre qui le fuyait depuis dix-sept ans. Mais le prochain, c’est pour quand ?
Demandez à Frank McCourt, qui, dès le rachat du club à l’automne 2016, a dégainé une stratégie baptisée « OM Champion Project ». Mais champion de quoi ? Du monde, d’Europe, de France, du district bucco-rhodanien ou de la rive droite de l’Huveaune ? Il a reconnu depuis avoir parlé un peu vite. Mais de cet intolérable suspense naîtront les futurs épisodes de cette obsession fleurant bon la sueur et les pieds qui puent (oui, elle est en odorama).
Les critiques affirment que l’OM a les moyens d’être moyen, pas plus. D’autres voient le club au plus haut, et avec le train mené cette saison (une seule défaite lors des 19 derniers matches), ils ont raison de croire à une place dans les trois premiers de L1, ce qui assurerait un revenu supplémentaire minimal de 12,7 millions d’euros, car le champion et son dauphin sont qualifiés en Ligue des champions, le troisième passant par un tour préliminaire. « Make OM great again », voilà l’affaire bien lancée. Et après trois années de disette, les supporters rêvent enfin les soirs de match quand, à l’approche du Vélodrome, les effluves du chichon se mêlent à celles du pastaga.
Ces deux produits composent le yin et le yang de la sagesse olympienne et boostent le moral de Marseille, qui est intimement lié aux résultats du club. Avec chaque victoire, la ville prend un rail TGV de coke pure à 110 %. À chaque défaite, elle avale un cocktail de barbituriques noyé au Canard WC. L’OM qui gagne est un médoc, la pilule du bonheur, le Viagra pour les nuls. Et on le prouve : en 1999, critiqué après un 0-0, l’entraîneur Rolland Courbis brame qu’avec ce résultat il « bande comme un cerf ».
On se placera sous ces auspices naturalistes pour suivre le club cher au cœur (oui, il en a un) du président Macron, venu l’été dernier taper le ballon au centre d’entraînement de la Commanderie. On ignore si ça lui a procuré les mêmes émotions qu’à Courbis. Mais la visite de l’empereur Emmanuel montre que l’OM est un club jupitérien et c’est important dans un sport où il faut de la cuisse, même quand on joue à l’aile.
Si jupitérien que l’OM a déjà un champion dans ses rangs, et du monde qui plus est. Vous le connaissez ? Hé oui : McCourt, dit « Franky-la-culbute », rapport à l’artiche ramassé en revendant les Dodgers de Los Angeles. Sortez vos calculettes. En 2004, il achète l’équipe de base-ball 371 millions de dollars, essentiellement grâce à des emprunts, Drahi style. Huit ans plus tard, il la revend 2,15 milliards, la plus grosse transaction réalisée pour un club sportif sur la planète. Soit deux fois ce qu’il valait (900 millions) selon Forbes. Quel talent !
Frank McCourt, l’homme qui a amené les Dodgers à la faillite, va émerger du désastre comme un quasi-milliardaire.
Ce tour de magie en a fait le recordman du bénef dans le monde du base-ball. Un exploit alors que le club avait déposé le bilan en juin 2011. Tapie a trouvé son maître, et Forbes a surnommé McCourt « le bandit du base-ball », en notant qu’avec un profit estimé à 860 millions de dollars, « l’homme qui a amené le club à la faillite va émerger du désastre comme un quasi-milliardaire ».
Cette performance n’est pas due qu’au talent, l’augmentation des droits télé ayant entraîné la valorisation des clubs. Les acheteurs – menés par l’ancien basketteur Magic Johnson – n’ont pas regretté. Un an plus tard, ils ont vendu à Time Warner ces mêmes droits télé pour vingt-cinq ans et 8,35 milliards de dollars. Quatre fois ce qu’ils ont acheté la franchise. Cela a rendu Franky-la-culbute un peu vert, surtout qu’il avait dû verser en 2011 131 millions de dollars à sa femme (avec en prime quatre propriétés valant 50 millions) pour clore un divorce épique après trente ans de mariage. En échange, Jamie, juriste, a renoncé à sa revendication d’être reconnue comme copropriétaire du club.
Dans le genre success story, les McCourt se posaient là. Le couple s’est connu à 18 ans à la fac et a commencé avec rien. Jamie prétend avoir « donné à Frank les 1 000 dollars dont il avait besoin pour démarrer sa première entreprise ». Ils ont bâti leur fortune dans l’immobilier à Boston. En 2008, madame, alors présidente des Dodgers, établit un « Projet Jamie » – on est très projet, chez les McCourt. L’objectif ? En toute simplicité, « être élue présidente des États-Unis ». Bon, Jamie a raté la marche mais depuis décembre 2017, elle se console, car Donald Trump l’a nommée ambassadrice en France. Pour son talent, bien sûr, mais aussi pour ses dons : plus de 400 000 dollars à sa campagne, 50 000 pour son inauguration et 170 000 au comité national républicain. Frank, lui, a soutenu Hillary Clinton.
La question désormais est : fera-t-il une bonne culbute à Marseille ? Sans doute en rêve-t-il, mais la situation diffère. À Los Angeles, il a pu aussi acheter le stade et une surface d’immobilier qui lui a bien rapporté. À Marseille, il n’a que l’OM, où, pour l’instant, il s’emploie à creuser le déficit laissé par son prédécesseur. Pour faire entrer de l’argent, il aimerait récupérer l’exploitation du stade Vélodrome – c’est en négociations et on en reparlera très vite. En attendant, il a déjà eu un bon pif en embauchant un trio efficace pour le club : Jacques-Henri Eyraud (président), Rudi Garcia (entraîneur) et Andoni Zubizarreta (directeur sportif).
Mais le retour ne sera jamais aussi bon qu’à L.A., où le club a financé le train de vie du couple, selon Jamie, comme elle l’a révélé lors de son divorce : « Nombre de nos dépenses étaient payées directement par les Dodgers. » Selon ses avocats, le club leur a versé 108 millions de dollars entre 2004 et 2009, sur lesquels ils n’ont payé aucun impôt. Le couple utilisait les Dodgers comme une « carte de crédit », d’après le conseiller financier de Frank. L’équipe a « remplacé l’immobilier comme source de revenus », ont écrit les avocats de Jamie.
En 2011, son mari l’a licenciée, et elle perdait son salaire de 2 millions de dollars par an (contre 5 millions pour lui). Jamie a donc réclamé de garder la carte de crédit des Dodgers pour ses dépenses courantes. Voyages « illimités » en jet privé, hôtels cinq étoiles, repas d’affaires, véhicules de service, chauffeur, « fleurs dans le bureau », coiffeur, maquilleur, médecin. « Jamie a besoin de 988 845 dollars par mois net d’impôt pour maintenir son style de vie », calculaient ses avocats.
Au temps du bonheur, le couple vivait à L.A. dans une résidence achetée 20 millions, où il a fait pour 14 millions de travaux, avec dix salles de bain. Ils se sont payés deux autres résidences sur la plage à Malibu. Selon Vanity Fair, ils ont dépensé 74 millions en maisons, et 12 millions rien que pour une piscine olympique intérieure. Le coiffeur leur coûtait 10 000 dollars par mois. Le club salariait aussi deux fils au marketing, pour 600 000 dollars par an, alors que l’un avait un emploi à la banque Goldman Sachs et que l’autre suivait des études.
La ligue de base-ball s’est plainte de toutes ces dépenses mais McCourt lui a rétorqué qu’elle les avait autorisées. Pour lui, la ligue a noirci le tableau pour le forcer à vendre. « Ce sont des conneries totales, a-t-il lâché à So Foot. Tous les éléments financiers, sans exception, étaient soumis à la ligue. » En France, des esprits retors soupçonneraient un abus de biens sociaux, mais aux États-Unis, rien d’illégal. McCourt a gagné de l’argent en bon businessman et sa méthode vaudrait un cours dans les écoles de commerce.
À son départ, les Dodgers affichaient pourtant 450 millions de dollars de dettes et il a dû faire un emprunt à Fox sur les droits télé à venir pour payer des joueurs. Mais où est le problème ? Le club perdait de l’argent quand il l’a acheté, il l’a valorisé. Pour le reste, what ze fuck ?, comme on dit à l’Académie française. Lui-même ne veut plus en parler : « Frank McCourt a déjà largement commenté ces sujets par le passé. Il ne fera pas plus de commentaires », indique aux Jours son agence de relations publiques Image 7.
À L.A., les supporters, à qui il avait promis un titre qui n’est jamais venu, lui en ont voulu. Il nous revient de le mettre en garde : attention, le fan marseillais peut se montrer vachard. Comme en septembre, avec cette banderole l’interpellant au Vélodrome : « Who is the boss in this club ? McCourt, get your balls out ! » Pour éviter les soucis, suggérons à Frank de renoncer à tout « Shpunt Project » à l’OM. Un Shpunt Project ? Selon le Los Angeles Times, les Dodgers ont payé pendant cinq ans un septuagénaire russe, Vladimir Shpunt, pour envoyer depuis son domicile de Boston des ondes positives. Coût de l’opération : plus de 100 000 dollars. Paraît que les résultats sportifs n’ont pas suivi.
Non, ami Frank, lancez plutôt un « Pamela Project », histoire de faire bramer Courbis. Pamela Anderson, 50 ans, a quitté Los Angeles fin janvier pour habiter Marseille avec celui que le site people TMZ appelle son « hot soccer boyfriend » : Adil Rami, 32 ans, excellent défenseur central de l’OM. Quand l’amour frappe à la porte… La « Malibu Mansion » de Pamela est désormais vide. 500 mètres carrés avec baignoire « à la Picasso » qui se négocient, selon TMZ, pour une misère : 40 000 dollars par mois, ou 70 000 en été. Quelqu’un d’intéressé ? Le foot vous remerciera. Passée de la ville des anges à celle des démons avec son chien Zuzu (un hommage au directeur sportif Zubizarreta ? On l’ignore), Pamela doit y trouver un rôle à sa démesure.
L’ESSENTIEL, C’EST LES TROIS POINTS
1/Dernier match Marseille a écrasé Metz (6-3) en championnat vendredi (les Messins sont bons derniers au classement).
2/Prochain match L’OM affronte Bourg-en-Bresse (L2) en 8es de finale de la Coupe de France ce mardi soir.