Maintenant, c’est clair, il n’y a plus qu’un objectif : Jean-Michel Aulas. Depuis jeudi, et cette victoire contre Salzbourg (2-0) qui augure d’une possible finale de Ligue Europa à Lyon le 16 mai, le président lyonnais est la vedette des cœurs et des chœurs marseillais. Les supporters ont chanté son nom sans fin, avant et après le match. Il y a deux versions, la première, soft : « On va la gagner chez toi ! » Mais les fans préfèrent de loin la seconde : « Jean-Michel Aulassssssssss, Jean-Michel Pétassssssssse / On va tout casser chez toi !!!!!! »
Le mantra est répété à l’infini, sur le boulevard Michelet face à l’entrée principale du Vélodrome, avant le match, dans une ambiance de manif, avec force pétards qui explosent les tympans et fumigènes qui raclent les gorges. Ça chante, ça danse, ça saute, c’est le « moulon », une façon d’entrer en force dans la foule pour s’y fondre dans un mouvement que tout le monde impulse mais que personne ne contrôle. C’est là que vibre le « peuple olympien », dans ces moments d’insouciance et d’égarement, ce pogo vaguement inquiétant, joyeux et agressif, bon enfant et voyou. On hurle et on se filme en même temps. « Frère, c’est la folie, le bordel ! », crie un homme au téléphone.
Certains ont ressorti les vieux maillots Nasri, voire Delfim. Une dame passe, essaye de placer ses écharpes du match à cinq euros. D’autres vendent des billets, bien plus chers. « Qui cherche des places ? Virages ! Virages ! Virages ! », crie un énergumène en brandissant quatre tickets. Personne ne le voit, ni ne l’écoute, il y a mieux à faire. À l’unisson d’une passion décrite dans cette série qui vous conte l’OM côté foot et côté ville, la chorégraphie sauvage se développe avec sa propre grammaire, toujours au bord du dérapage, et de préférence au-delà du gouffre : « Celui qui chante pas, c’est un pédé ! »
Quelques automobilistes qui ont la mauvaise idée de prendre la contre-allée se font secouer la voiture. On grimpe sur le capot, on y tambourine. Le conducteur ou la conductrice a la frousse de sa vie, mais on rigole, on s’éclate : « Luiz Gustavo / De Marseille à Janeiro ! » C’est un torrent qui n’a d’intérêt que s’il déborde, et il déborde tout le temps, avec une énergie dont il faut se demander d’où elle vient, mais qui semble sans limite, comme les provisions en pétards et en fumigènes. Les flics sont là, près et prêts, équipés pour la lutte finale ; mis en retrait pour ne pas gâcher la fête, ils ne mouftent pas.

Alors, « Jean-Michel Aulassssssssss »… La cible est facile mais constante depuis que Lyon a dominé le championnat dans les années 2000, pendant que Marseille rageait dans des saisons de cauchemar.