Ce mardi 5 octobre, dans un auditorium du centre de Paris, l’immense silhouette de Jean-Marc Sauvé s’est avancée vers les religieux qui l’ont chargé de présider la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Le haut fonctionnaire a hésité un instant. Fallait-il vraiment déposer son rapport, fruit de plus de deux ans de travail (lire l’épisode 4, « Pédocriminalité : l’Église à confesse »), dans les mains de ses commanditaires, les présidents de la Conférence des évêques de France et de la Conférence des religieux et religieuses de France montés sur scène, telle une remise du prix de la honte ? C’est pourtant de cela qu’il s’agissait. Le texte, en plusieurs opus reliés, fait une vingtaine de centimètres d’épaisseur. Il est si encombrant que ses récipiendaires, contraints de le porter à deux mains, se sont empressés de le reposer sur la table basse faute de savoir qu’en faire. Ce n’est rien de moins que le bréviaire de plus d’un demi-siècle de crimes contre des enfants. La description d’un phénomène « massif », fruit d’un « ensemble de négligences, de défaillances, de silences, d’une couverture institutionnelle, qui ont représenté un caractère systémique ».
La honte de l’Église catholique française tient en quelques chiffres qui pulvérisent les estimations évoquées ces derniers mois, y compris par la Ciase elle-même. En mars 2021, la Ciase annonçait au moins 10 000 victimes.