Les affaires de violences sexuelles suivent souvent un même tempo. Il y a le temps long, les décennies pendant lesquelles nombre de victimes se taisent et les témoins se satisfont du silence. Puis l’instantané des révélations, un cataclysme. Et ensuite ? Le mouvement catholique des Focolari doit encore écrire la page d’après. En septembre, des victimes de Jean-Michel M., un laïc consacré accusé d’avoir agressé une trentaine de garçons, avaient confronté les responsables à leur inertie depuis les années 1970 (lire l’épisode 1, « Pédocriminalité dans un mouvement catholique : nos révélations »). Après la démission de sa hiérarchie en France et en Europe (lire l’épisode 2, « Trois responsables des Focolari limogés »), l’association de fidèles avait promis d’ouvrir l’ère de la « vérité ». Il a fallu patienter deux mois de plus pour que, comme un miracle de Noël, le lancement d’une enquête indépendante soit annoncée le 23 décembre (lire l’épisode 5, « Prière de déranger »). Puis, de nouveau, le silence.
Échaudé par des années de passivité, Christophe Renaudin se prenait à douter : n’était-ce que de l’enfumage ? Principal témoin et seule personne agressée sexuellement par Jean-Michel M. à avoir pris la parole sous sa véritable identité, il regrettait d’être laissé sans nouvelles. D’autant que les Focolari déclaraient publiquement le contraire. « Je leur ai communiqué toutes les mesures que nous avons prises en tant que mouvement. Les victimes participent donc à l’ensemble du processus et nous sommes toujours en contact dans chaque cas et dans chaque situation, dans la mesure du possible », affirmait son coprésident mi-janvier, dans une interview semble-t-il prématurée. En interne, le trouble était à l’échelle du choc provoqué par les témoignages. Depuis l’automne, des victimes avaient parlé à leurs proches pour la première fois (lire l’épisode 3, « La foi du silence »). De vieux compagnons de route découvraient l’affaire. Tous attendaient des réponses. Le rythme de « l’après », celui de la transparence, ne pouvait être à son tour gagné par la lenteur.

« Le timing est respecté », affirmait pourtant Rocco Femia, nouveau porte-parole du mouvement sur l’affaire « M. », début février, auprès des Jours. Fin 2020, les Focolari ont confié à GCPS Consulting le soin de comprendre l’ampleur de l’affaire et des dysfonctionnements. Le cabinet britannique s’est spécialisé dans la prévention et le signalement des violences sexuelles.