Porte de Clichy, aux confins nord-ouest de la capitale, le chantier du métro débouche sur le quartier en travaux de la cité judiciaire de Paris. Cerné de grues et de géomètres en goguette, le nouveau QG de la police judiciaire n’a pas grand-chose à voir avec l’ancien. Par coquetterie, l’immeuble aux reflets bleutés a gardé son numéro 36 (lire notre obsession sur le mythique « 36 »), mais la rue du Bastion a succédé au quai des Orfèvres. Des portiques, un ascenseur et des sas vitrés mènent aux locaux de la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), l’une des sept « brigades du fric » parisiennes qui ont quitté au mois de juin la rue du Château-des-Rentiers, dans le XIIIe arrondissement, pour s’installer ici. Moins connue que la brigade financière, la BRDE a pourtant de belles affaires en portefeuille. C’est elle qui a enquêté sur les sondages de l’Élysée (à retrouver dans notre « Magouillotron »), les impôts de Thomas Thévenoud (lire l’épisode 13, « Thomas Thévenoud, la grosse omission »), les notes de taxi de l’ex-présidente de l’INA Agnès Saal ou encore l’affaire de favoritisme de son prédécesseur, Mathieu Gallet (dont le jugement doit être rendu le 15 janvier).
Depuis bientôt deux ans, le commissaire divisionnaire Guillaume Batigne dirige le service. Il nous reçoit dans son bureau avec son adjoint, le commandant Didier Cheneau – un ancien de la brigade financière qui s’était notamment occupé de l’affaire Bettencourt. Tous deux portent des costumes-cravates passe-partout, un peu austères. La BRDE, que l’on pourrait décrire comme un petit frère de l’OCLCIFF, l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions (lire l’épisode 14, « “Il y a une vraie charge mentale sur l’enquêteur financier” »), se concentre sur les malversations commises par des « professionnels » en région parisienne. « Pas des délinquants d’habitude » mais plutôt un public « installé » dans « un milieu de pouvoir », décrit Guillaume Batigne. Parmi eux, des élus et autres décideurs publics sont poursuivis pour des manquements à la probité : favoritisme dans l’attribution d’un marché, trafic d’influence, abus de biens sociaux, prise illégale d’intérêts… « La corruption du quotidien », résume le commissaire.