Dans la salle des pas perdus du tribunal de grande instance de Paris ce lundi après-midi, des magistrats en robe d’apparat croisent des gendarmes en grande tenue, des avocats durs de la feuille et des journalistes en quête de mains à serrer. Comme chaque première quinzaine de janvier, le petit monde judiciaire parisien s’apprête à se plier à un exercice aussi formel qu’obligatoire dans toute la France : dresser le bilan de l’année écoulée et dessiner des perspectives pour celle qui commence. L’audience solennelle de rentrée, c’est son nom, obéit à un protocole consacré. Le président du tribunal, Jean-Michel Hayat, prend la parole en premier. Il la cède ensuite au procureur de Paris, François Molins. Qui, depuis 2014, la partage avec Éliane Houlette, la procureure nationale financière. Cette année, c’est la dernière fois que cette audience, retransmise sur écran géant dans la salle voisine faute de place, se tient entre ces murs richement décorés mais trop étroits. Un compteur planté à l’entrée de la salle rappelle qu’il ne reste que 84 jours avant le déménagement du tribunal, de son écrin sur l’île de la Cité au bâtiment géant construit par Renzo Piano et Bouygues porte de Clichy, dans le nord-ouest de Paris.

Ultime oratrice du jour, Éliane Houlette se conforme à la tradition mais tranche par son style. Nous avons évoqué, au fil de cette série, la façon dont la magistrate conçoit la place du Parquet national financier (PNF) au sein du système judiciaire (lire l’épisode 1, « Juges de pèze »). Étant la première à le diriger depuis sa naissance, en 2014, elle semble désireuse de lui imprimer sa marque. Lundi, elle a en quelque sorte livré un concentré de ses marottes : rapidité, « efficacité » et « recouvrement » des sommes détournées ou soustraites à l’impôt pour « réparer les préjudices financiers subis par l’État ». Dans sa façon de communiquer, la procureure assume une logique pécuniaire plutôt inhabituelle chez les magistrats. Elle en fait même une marque de fabrique, bombardant son auditoire de chiffres sur l’action de son parquet. Éliane Houlette revendique le montant des amendes et des confiscations prononcées dans les 43 affaires jugées depuis la création du PNF : 1,2 milliard d’euros au total, dont 787 millions en 2017, la meilleure année jusqu’ici.
Anticipant les critiques sur cette approche « par les coûts », la procureure précise qu’« une sanction financière ne fait pas abstraction des fins sociales de la sanction pénale et porte en elle des vertus qui dépassent le simple plan comptable ».