Derrière le pupitre où vont se succéder les orateurs, ce vendredi 26 janvier, de petits bustes de Marianne et des casseroles attendent de trouver preneurs. L’association Anticor (un jeu de mot entre « anticorruption » et « anticorps »), qui promeut la probité en politique, a réservé une salle à la Maison de l’Amérique latine, à dix minutes à pied de l’Assemblée nationale, pour sa cérémonie annuelle de remise des « prix éthiques » et des « casseroles ». Les premiers récompensent « les combats vertueux » de l’année, comme autant de « signes d’estime » adressés aux lanceurs d’alerte, associations, journalistes et personnalités publiques ayant œuvré pour la transparence, la révélation de scandales ou un progrès éthique. Les secondes « distinguent » des hommes politiques ou des institutions accusés d’avoir agi dans le sens inverse.
Éric Alt, le vice-président d’Anticor, répond à quelques interviews et s’assure que tout est prêt avant de s’asseoir au premier rang. Ce magistrat de profession, courtois et austère, résume l’objectif de la cérémonie en une formule empruntée au philosophe Antonio Gramsci : mener le « combat culturel », c’est-à-dire « emporter l’adhésion » du public sur les valeurs défendues par l’association. Anticor, née en 2002, n’est pas une organisation de masse : elle revendique 2 000 adhérents à ce jour, soit à peu près autant que le NPA (Nouveau parti anticapitaliste). Si l’association partage son temps entre le « plaidoyer » – le lobbying pour faire adopter des réformes, comme le statut accordé aux lanceurs d’alerte – et la signature de chartes de bonne conduite à destination des élus, elle est avant tout connue pour son activisme judiciaire : ses dépôts de plainte visent à faire aboutir certaines affaires politico-financières devant les tribunaux, généralement quand elle estime que la justice ne se montre pas assez active. « Fondamentalement, nous sommes des juristes », reconnaît Éric Alt, qui assume ce rôle « d’aiguillon du parquet pour sortir des affaires et faire avancer le droit ».

Ces dernières semaines, les plaintes d’Anticor ont conduit à la condamnation du président de Radio France Mathieu Gallet à un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende pour favoritisme. Et à l’ouverture d’une information judiciaire visant le fidèle macroniste Richard Ferrand, pour ses liens avec les Mutuelles de Bretagne (lire l’épisode 3, « De Karachi à Fillon, découvrez notre “Magouillotron” »). Lors de ces