L’un part, l’autre reste. Ils sont amis, ils se voient ou s’appellent tous les jours. Pouria Amirshahi et Barbara Romagnan ont été élus députés en 2012, avec l’étiquette socialiste. Il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre eux. Ils ont la même conception de la politique. La semaine précédente, Pouria Amirshahi, 43 ans, a décidé de quitter le Parti socialiste (lire l’épisode 10, « Quitter la politique pour mieux en faire ») dont il était adhérent depuis 1987. Déçu par son propre parti, il fait, en partant, le constat d’un système politique à bout de souffle
, usé, coupé des sèves profondes du pays
. Aux militants PS qui lui disent Je suis triste que tu partes
, il répond : Je suis triste que tu restes.
« Après, je les laisse méditer cinq minutes, poursuit-il, car la réflexion est douloureuse. » Adhérente depuis 1994 et engagée dans les mêmes combats que Pouria Amirshahi, Barbara Romagnan, 41 ans, demeure, elle, au PS. Pourquoi ? Je leur ai proposé d’en discuter ensemble. Nous sommes dans une buvette de l’Assemblée nationale. Ils s’écoutent. Elle note parfois quelques mots sur un calepin, comme un pense-bête, pour éviter de l’interrompre. Ils se complètent, se relancent. Partir ou pas ? Quelle peut être leur utilité en politique ? C’est une longue discussion entre eux, qui ne date pas d’hier.
Barbara Romagnan : Ce dont on parle depuis longtemps, c’est comment on peut être utile à transformer la société. Pendant des années, on a pensé qu’être au PS, c’était l’outil le plus adapté. On est deux députés plutôt jeunes, et pourtant cela fait plus de 20 ans qu’on est au Parti socialiste. On s’est souvent posé des questions ou sentis en décalage.
Pouria Amirshahi : Je me souviens, dès 2013, je me disais : On n’a pas fait ça pour ça.
Le tournant, ce sont le CICE [le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mis en place par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et dont l’absence de contrepartie a heurté une partie de la gauche, ndlr], et les vœux de Hollande.
BR : Oui, mais on n’en était pas à partir. Je me souviens de la réunion de groupe en janvier après les vœux de François Hollande, je suis intervenue pour dire : je ne comprends pas, je sais que ce ne sont pas les mêmes bonshommes, pas les mêmes politiques mais je pense que Nicolas Sarkozy aurait pu faire les mêmes vœux. Ça a choqué beaucoup de camarades. Mais à ce moment-là, je n’en étais pas du tout à quitter le parti.
PA : Cela s’est fait par capillarité.