Je guettais le bon moment. En plein chaos politique, il n’y en a pas vraiment. J’étais venue à l’Assemblée nationale pour écouter le Premier ministre défendre le projet de loi constitutionnelle et la déchéance de nationalité en commission des Lois. J’espérais aussi y croiser Olivier Faure, l’un des députés que Les Jours souhaitent suivre dans l’exercice de son mandat (comme nous l’expliquions dans l’épisode 1).
Le socialiste, élu en 2012 à 43 ans député de Seine-et-Marne, connaît bien l’Assemblée et les rouages du pouvoir. Il n’est pas du genre à bondir sur les micros, n’aime pas semer la zizanie, il est connu et apprécié pour sa loyauté. Il a été directeur de cabinet adjoint de François Hollande à Solférino pendant sept ans de 2000 à 2007 puis est devenu secrétaire général du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, où il a travaillé en étroite collaboration avec Jean-Marc Ayrault dont il garde un petit mot gentil sous verre, encadré dans son bureau. Pas frondeur, pas dézingueur, il croit à la majorité. Il préfère Mendès-France à Mélenchon, et a le souci de chercher les lignes plus que les limites. Depuis que François Hollande a proposé la déchéance de nationalité, Olivier Faure ne peut s’y résoudre et livre bataille, dans son camp, contre cette proposition empruntée à la droite et l’extrême droite.

La séance se termine. Olivier Faure saisit sa parka et se dirige vers la sortie. Voilà l’occasion. Annick Lepetit, députée PS de Paris, part avec lui. C’est le festival de Cannes
, lâche-t-elle, en apercevant les caméras de télévision braquées face à la porte, derrière un cordon rouge. Olivier Faure a les mâchoires serrées. Je lui emboîte le pas, et lui demande s’il a cinq minutes, il me répond d’abord non
, avec un air excédé, croyant que je suis lancée à la chasse aux petites phrases. Il n’a aucune envie d’improviser un rapide commentaire qui viendrait s’empiler aux autres, alors que la crise politique gronde.
La matinée a été agitée. Ce 27 janvier, Manuel Valls est venu en personne défendre le projet de loi qui entend constitutionnaliser l’état d’urgence et ouvrir la possibilité de déchoir les terroristes de la nationalité française. Quelques heures auparavant, Jean-Jacques Urvoas, alors qu’il présidait la commission des lois, a annoncé à haute voix qu’il avait reçu un SMS, que Christiane Taubira avait démissionné du gouvernement… et qu’il était nommé ministre de la Justice à sa place (comme nous l’avons raconté ici).