Comme nous, le ministère de la Transition écologique est très inquiet pour l’usine d’engrais Yara de Montoir-de-Bretagne (lire l’épisode 3, « Bienvenue à Seveso-sur-Loire »), près de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. Le 7 juillet dernier, il a classé l’entreprise parmi les six pires industriels de l’Hexagone. Ce classement distingue les sites français où l’on constate le plus d’incidents réguliers et/ou de non-conformités récurrentes. Les six exploitants épinglés sont placés en « vigilance renforcée » et ont jusqu’à fin 2022 pour mettre en œuvre « des mesures concrètes, quantifiables et vérifiables ». Sinon ? Sinon, l’Etat sévira.
Le ministère a l’air de taper du poing sur la table, hein ? Sauf que cette communication officielle ne dit pas comment il va sévir. Surtout, quand on connaît un peu l’historique, on craint plutôt que l’État ne soit là en train d’accorder une nouvelle impunité de dix-huit mois à un industriel, Yara France, coupable de pollutions répétées. Alors, c’est sûr, il est très difficile à retracer, cet historique. On peut en témoigner. Depuis mars dernier, la préfecture de Loire-Atlantique refusait de nous transmettre des informations et des documents sur Yara qu’on a tout à fait le droit de consulter… avant de finalement y consentir en partie, jeudi 15 juillet. Le groupe norvégien, numéro un mondial des très polluants engrais de synthèse, n’a lui jamais répondu à nos demandes d’interview.
Heureusement qu’on aime bien fouiller et que, parfois, on trouve… Les documents que nous avons réunis sur l’usine de Montoir-de-Bretagne, classée Seveso seuil haut, montrent d’abord la gravité de la situation concernant l’eau, l’air et la sécurité des habitants de la région. Pour le milieu aquatique, le site est tout simplement le plus gros pollueur de tous les Pays de la Loire, puisqu’il est à la fois le premier émetteur d’azote et le second de phosphore. Il est aussi celui qui émet le plus de rejets atmosphériques de la région. Au niveau national, il se distingue même sur ce point, avec, selon un courrier préfectoral que nous avons consulter, la seconde place française en matière de particules fines PM10. Rappelons que la pollution de l’air est à l’origine d’au moins 48 000 décès par an en France.

Surtout, surtout, les documents que nous avons consultés sont accablants pour l’industriel comme pour les autorités préfectorales de la région et de la Loire-Atlantique.