D’émotion, il y en a un qui a vidé d’un coup son verre de vin blanc. Devant les tables à pique-nique du bar le Hang’art, sur le quai de Seine dans le XIXe arrondissement de Paris, où sont rassemblés les soutiens de Yannick Jadot, c’est David Bornstein, son responsable de la mobilisation, qui vient de lire, un brin fébrile, à 17 h 30, avec un quart d’heure de retard sur l’horaire annoncé, le message inscrit sur son téléphone à la foule et aux caméras. Leur champion est en tête. Mais c’est serré. Une demi-heure après la clôture des votes en ligne de la primaire écologiste, la machine a livré le résultat du premier tour : 106 622 personnes ont voté, ce qui établit la participation à presque 87 %. L’eurodéputé Europe Écologie - Les Verts (EELV) Yannick Jadot récupère 29 534 voix (27,7 %) ; l’économiste Sandrine Rousseau, 26 801 (25,14 %) ; la présidente de Génération écologie Delphine Batho, 23 801 (22,32 %) ; le maire de Grenoble Éric Piolle, 23 767 (22,29 %) ; le coprésident du nouveau parti Cap écologie Jean-Marc Governatori, 2 501 (2,35 %). Ici, les applaudissements, pourtant nourris, font gentillets par rapport à l’ambiance du bar La Belle Vie, à Belleville, où sont réunis depuis plus de deux heures quelque 80 soutiens de Sandrine Rousseau, excités comme des puces, badges rouges frappés de pois blancs et foulards identiques (le symbole de Rosie la riveteuse, l’icône féministe), pour guetter les résultats.
À 17 h 28, Sandrine Rousseau est d’ailleurs descendue du premier étage du café, chaussée de hauts talons rouges. La petite foule l’acclame, « Sandrine ! Sandrine ! », sans même savoir qu’elle vient de réussir l’exploit d’arriver deuxième, à 3 000 voix de Yannick Jadot, 3 000 voix aussi devant Delphine Batho et Éric Piolle. Hilares et ébahis, de jeunes militants l’entourent. Sandrine Rousseau prévient : « On va aller loin dans cette présidentielle. » Avant de filer rejoindre le QG de la primaire sur les bords du canal de l’Ourcq, elle leur lance : « On l’a fait ! » Dans le même temps, au Hang’art, ça conciliabule sec. « C’est plus serré que ce qu’on pensait », lâche Dan Lert, adjoint EELV à la mairie de Paris chargé de la transition écologique, qui vient d’arriver. À deux pas derrière lui, le vétéran des Verts Alain Lipietz n’en revient pas du score de Delphine Batho et se souvient du temps des primaires écolos « dans un bocal », quand celle-ci, ouverte, a rassemblé plus de 122 000 inscrits (lire l’épisode 3, « Vers qui va le vert votant ? »).