Depuis la fin septembre et pour un mois, l’épouvante s’invite à la barre de la cour d’assises de Paris. Quelque 350 dépositions au total de survivants ou de proches de victimes du 13 Novembre vont exposer ce que l’être humain peut vivre de pire, la perte brutale d’un enfant ou d’un conjoint ciblé anonymement dans un crime de masse, des années d’hôpital pour finir dans un fauteuil roulant, le souvenir brûlant et ineffaçable d’une nuit de terreur et de sang (lire l’épisode 8, « “Je veux parler pour me réapproprier le récit” »). Ce corpus de souffrances constitue un traumatisme national et des chercheurs en ont fait depuis cinq ans un objet d’étude approfondi et transdisciplinaire, avec plusieurs objectifs : écrire l’histoire en temps réel, mettre la douleur en archives, la saisir en témoignages et en imagerie médicale. Mais aussi rendre la trace sanglante du 13 Novembre, voir comment elle a changé les esprits, le cours des vies, la marche du pays et son histoire. L’historien Denis Peschanski explique avoir commencé cette œuvre étrange qu’est ce grand programme de recherche sur le 13 Novembre sur un sentiment, une intuition. « Nous avons eu l’idée d’une réponse citoyenne. Avec plusieurs personnes, nous nous sommes dit que nous devions réagir comme chercheurs avec nos armes : la connaissance et la recherche. C’est aussi bête que ça. Ça nous semblait indispensable de comprendre et de faire comprendre ce qui se passait, sous l’angle de la mémoire. » Ainsi que Les Jours le racontaient dans la série Le souffle des attentats, il a lancé en 2015 le programme 13·11, prévu jusqu’en 2028, qui associe une douzaine de laboratoires de toutes disciplines, des sciences humaines et sociales aux sciences du vivant en passant par celles de l’ingénierie, avec 60 à 80 chercheurs et souvent davantage, plus une série d’outils technologiques.