Tout l’été, « Les Jours » vous plongent dans un autre monde, celui de la justice française de 1973. Du lundi au vendredi à midi, nous publions des extraits des minutes correctionnelles du tribunal de grande instance de Paris d’il y a tout juste un demi-siècle. Un regard sur les délinquants du passé avec les mots de l’époque (lire l’épisode 1, « La délinquance, c’était mieux avant ? »). En accès libre.
«Prévenus : Colette Fière, née le 2 novembre 1942 à Paris XIVe, divorcée, secrétaire, demeurant 4, rue Philidor à Paris XXe, secrétaire, de nationalité française.
Christian Lecoq, né le 26 février 1950 à Paris, étudiant, demeurant 5, rue de l’Égalité à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, de nationalité française.
Attendu qu’il résulte de l’information et des débats que la femme Fière qui, en 1970, 1971 et 1972, était employée au service de l’agence de voyages « La Maison du Cantal », a délivré à un grand nombre de personnes des billets de transport par la SNCF après avoir inscrit sur les doubles demeurés au carnet à souches une distance et un prix très inférieurs à ceux qui figuraient sur les originaux de telle sorte qu’elle a perçu des sommes supérieures à celles qui ont été portées en caisse et en comptabilité, et en a gardé pour elle et au préjudice de son employeur la plus grande partie, dont le montant total a été arrêté à 35 000 francs au moins ; qu’elle a fourni notamment une vingtaine de billets gratuits ou à moitié prix à Christian Lecoq pour des parcours qu’il lui a indiqués, qu’elle a ainsi conservé pour elle une somme de 1 110 francs qu’un sieur Germain lui avait remis en mai 1972 pour La Maison du Cantal et touché par endossement à son compte personnel des chèques pour un montant de 9 601 francs 80 destinés à celle-ci ; que, d’autre part, elle a émis sans provision suffisante préalable et disponible quatre chèques supérieurs à 1 000 francs et cinq chèques inférieurs à 1 000 francs. Attendu que la femme Fière a donc bien commis les abus de confiance, les faux, les quatre délits et les cinq contraventions d’émission de chèques sans provision tels qu’ils sont spécifiés et circonstanciés par l’ordonnance de renvoi.
Attendu que cette ordonnance ne retient contre Lecoq aucun fait qualifiable de recel et se borne à l’inculper exclusivement de s’être rendu complice par instruction et fournitures de moyens des faux en écritures privées commis par femme Fière. Mais attendu qu’aucun des témoignages et déclarations recueillis au cours de l’enquête et de l’information ou des débats n’établissent que Lecoq, qui ne voulait bénéficier que de voyages gratuits ou à prix réduit pour lui-même ou ses amis, soit intervenu auprès de Colette Fière autrement que pour lui faire connaître les points de destination demandés et l’ait aidée de quelque manière ou lui a donné la moindre indication propre à préparer, faciliter les faux nécessaires pour cacher les détournements.
Attendu que contre Lecoq la poursuite n’est donc pas fondée, les faits retenus contre lui ne comportant aucun acte délictueux ou acte positif de complicité, qu’il convient donc de le relaxer. Attendu que la femme Fière se trouve en état de récidive légale sur une condamnation prononcée en particulier le 20 juillet 1967 par la 16e chambre de ce tribunal à six mois d’emprisonnement et 500 francs d’amende pour chèques sans provision, contrefaçon de chèques et escroqueries.
Le tribunal relaxe le nommé Lecoq, déclare la femme Fière convaincue et coupable d’abus de confiance, de faux en écritures privées et d’infraction à la législation sur les chèques, condamne femme Fière à la peine de treize mois d’emprisonnement et 5 000 francs d’amende pour les délits et à cinq amendes de cent francs pour les contraventions (cinq chèques inférieurs à 1 000 francs). »