Tout l’été, « Les Jours » vous plongent dans un autre monde, celui de la justice française de 1973. Du lundi au vendredi à midi, nous publions des extraits des minutes correctionnelles du tribunal de grande instance de Paris d’il y a tout juste un demi-siècle. Un regard sur les délinquants du passé avec les mots de l’époque (lire l’épisode 1, « La délinquance, c’était mieux avant ? »). En accès libre.
«Prévenu : Léon Barnabé, né le 24 octobre 1929 à Vannes, dans le Morbihan, marié, deux enfants, président directeur général, demeurant à Bains-sur-Oust, en Ille-et-Vilaine.
Attendu qu’à la suite de deux plaintes, déposées respectivement le 6 décembre 1971 par le président de la chambre syndicale des médecins de Paris, et le 21 juin 1972 par le médecin inspecteur régional de la santé, une enquête fut ouverte concernant la diffusion par la SA Centre de physiothérapie, dont le président directeur général était Léon Barnabé, d’un appareil électrique nommé GN24, présenté comme ayant une action galvanothérapique pour le traitement de certaines maladies humaines : sciatique, ostéose, arthrose, nervosisme, constipation, rhumatismes, arthrite, névralgie, lumbago, paralysie…
Attendu que pour des faits similaires antérieurs, Barnabé a été condamné du chef d’exercice illégal de la médecine, par jugement de cette chambre du 19 novembre 1971, confirmé par arrêt de la 11e chambre de la cour d’appel de Paris, du 30 juin 1972, à 8 000 francs d’amende. Attendu que l’enquête a révélé l’exactitude des faits signalés dans les plaintes : la société dont le prévenu est le président directeur général avait été transférée à Montrouge, mais son activité n’avait pas cessé depuis les décisions de justice sus-visées, et elle continuait à diffuser une publicité abondante et agressive vendu au rythme d’environ 800 exemplaires par mois, au prix de 1 363 francs et ce, dans toute la France, grâce à un réseau d’une centaine de représentants.
Attendu que quelques clients de la région parisienne furent entendus qui confirmèrent avoir acheté, en septembre 1972, cet appareil à la suite d’une publicité déposée dans leurs boîtes aux lettres. Attendu que Barnabé déclara qu’après avoir fait fabriquer en Allemagne l’appareil litigieux, il l’avait fait produire en France ; qu’il reconnut ensuite qu’il n’était pas docteur et prétendit qu’il avait cessé le 28 février 1973 toute publicité et toute vente du GN24, n’ayant pas voulu le faire plus tôt pour ne pas réduire au chômage ses représentants. Attendu que le prévenu se déclara seul responsable du délit commis qu’il reconnaît, ajoutant que depuis le 1er mars 1973, il avait reconverti sa société à la diffusion d’encyclopédies médicales et d’appareils d’alarme.
Attendu qu’il est constant que le prévenu, qui n’était pas docteur en médecine et n’a, comme il l’a montré à l’audience, aucune compétence technique en ce domaine, après les faits sanctionnés par le jugement du 19 novembre 1971, soit du 27 septembre 1970 au 1er mars 1973, a continué à exercer illégalement la médecine par la diffusion de l’appareil galvanothérapique GN24 ; qu’il y a lieu, dans l’application de la peine, de tenir compte du fait que Barnabé n’a pas cessé la publicité, ni la vente des appareils litigieux malgré les poursuites dont il était l’objet.
Attendu que le conseil départemental de Paris de l’ordre des médecins demande une somme de 5 000 francs à titre de dommages et intérêts ; que le tribunal lui accorde 1 000 francs. Attendu que la chambre syndicale des médecins de Paris réclame 6 000 francs à titre de dommages et intérêts ; que le tribunal décide de lui accorder une indemnisation d’un franc.
Le tribunal déclare le nommé Léon Barnabé coupable d’exercice illégal de la médecine, ; condamne Léon Barnabé à la peine de 20 000 francs d’amende ; reçoit la chambre syndicale des médecins de la Seine et l’ordre des médecins, parties civiles, et condamne Barnabé à payer à la chambre syndicale des médecins de la Seine la somme d’un franc, à l’ordre des médecins de Paris, la somme de 1 000 francs. »