«J’ai été réglo, honnête, comme je l’ai toujours été dans le cadre de mes fonctions. » Ainsi se défend Alexandre Benalla à la barre du tribunal, après déjà sept heures d’audience. Mais depuis le début de l’après-midi de ce jeudi 16 septembre, il peine à convaincre. Lorsqu’il n’est pas débout face aux magistrats, il est assis face à François-Xavier Lauch, l’ancien chef de cabinet d’Emmanuel Macron, qui s’est porté partie civile au procès. La présidente fait venir l’un et l’autre alternativement à la barre ; pour une confrontation tendue. Tout sépare les deux hommes : le haut fonctionnaire et énarque, posé, économe de ses mots, et l’ex-chargé de mission volubile, sur la défensive, parfois éruptif. En ce début de soirée, Alexandre Benalla se balance d’une jambe sur l’autre, visiblement fatigué, voire agacé. À court d’arguments, aussi. « C’est ma parole face à trois personnes : le chef de cabinet du président de la République, son directeur de cabinet et le secrétaire général de l’Élysée. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse face à ces gens-là ? S’ils ont décidé que je suis un menteur, je suis un menteur… », lâche-t-il.
La présidente, Isabelle Prévost-Desprez, a dédié l’audience aux deux passeports diplomatiques qu’Alexandre Benalla a continué à utiliser après son licenciement de l’Élysée, le 20 juillet 2017, pour voyager au Maroc, en Turquie, au Tchad ou aux Bahamas. L’accusé a même demandé un passeport de service, en utilisant une lettre à en-tête du chef de cabinet, François-Xavier Lauch. Lequel assure n’avoir jamais signé cette demande, et a saisi le procureur de la République sur ces faits en janvier 2019. Mais la présidente commence par explorer les relations de travail entre les deux hommes, au sein de la chefferie de cabinet du président de la République. Après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, Alexandre Benalla est embauché en juillet 2017, sous les ordres de François-Xavier Lauch. Au soir du 1er mai 2018, lorsqu’il est filmé en train de violenter un couple de jeunes place de la Contrescarpe, à Paris (lire l’épisode 1, « Affaire Benalla : et la Macronie chancela »), il prévient le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. Mais pas son supérieur hiérarchique direct : « J’aurais apprécié être informé, je pense que cela aurait été normal », soupire François-Xavier Lauch à la barre.