Pour parler d’Ali Riza Polat, principal accusé du procès des attentats de janvier 2015, il faut revenir à un moment irréel où cet homme, désigné comme un jihadiste fanatique et meurtrier, s’est lancé dans une sorte d’humour « Charlie ». Moi, jihadiste ? Vous n’y êtes pas, a expliqué en substance le 3 septembre à la cour ce Franco-Turc de 35 ans, le seul des quatorze accusés du procès à encourir la réclusion criminelle à perpétuité pour « complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste ». « J’ai fait des magouilles. Je suis ancré dans le business. Ma vie, c’est que ça. J’ai jamais travaillé. J’avais rien dans mon enfance, je veux de l’argent, je veux des belles choses. Je veux être riche, je veux mourir riche. Là, je suis en prison pour rien. En sortant, je vais donc faire du banditisme encore plus, je vous le dis ouvertement. »
Volontaire ou non, cet humour grinçant pourrait paraître déplacé dans ce procès historique. Comme on parle de l’assassinat de caricaturistes ayant fait profession de forcer le trait et de prendre de la distance avec la lourdeur de l’existence, cet instant a pourtant du sens. Ali Polat donne la mesure ou la démesure du dossier, de son ambiguïté. À lire les actes d’accusation, on aurait pu s’attendre, en regardant le box, à un jihadiste féroce et barbu maudissant ses accusateurs. On a découvert un homme d’apparence banale, chauve, glabre et bedonnant, qui fait un peu plus que son âge.