La cour vient à peine de s’asseoir et Jean Veil est déjà debout à la barre. L’avocat a très peu parlé depuis le début du procès mais, en ce mercredi 4 mars, à la première minute de la reprise des débats, il tient à présenter ses excuses. La veille, il a dit : « J’ai entendu des choses absolument atroces de la part du parquet », en promettant de développer « plus tard ». C’était en fin de séance, ce qui restait de public dans la salle d’audience est resté sur sa faim. Et aujourd’hui, l’avocat tient à s’excuser non pour le cliffhanger insoutenable mais pour l’emploi du mot « atroce ». La semaine dernière, le procureur Aurélien Létocart avait rappelé que le délit de détournement de fonds publics était passible de « pendaison » sous l’Ancien Régime. Et Jean Veil avait trouvé cela « excessif ». « Mais ce que j’ai dit était excessif aussi », reconnaît-il. Bref, le ténor du barreau fait acte de contrition… et œuvre utile. Aujourd’hui, son client, Marc Joulaud, poursuivi pour ce délit, ne monte pas au gibet : il est sur le gril.
Lui non plus n’a pas beaucoup parlé depuis une semaine. Marc Joulaud, suppléant de François Fillon, fut député à deux reprises, de 2002 à 2007, quand François Fillon a occupé des fonctions ministérielles (Affaires sociales puis Éducation nationale), et de 2007 à 2012, lorsqu’il était à Matignon. C’est la première période qui intéresse la cour, celle où Penelope Fillon fut l’assistante parlementaire de Joulaud. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix et des poussières, il commence par préciser : « Il n’a jamais été question de contrepartie. » Autrement dit, embaucher Penelope Fillon n’était pas une condition préalable pour être nommé suppléant de son mari. Mais quand même, on apprend que le député n’a pas beaucoup décidé par lui-même des termes de la collaboration. Le contrat de madame lui a été transmis par la secrétaire de François Fillon. Il l’a signé et l’a fait suivre aux services de l’Assemblée. Sans discuter du salaire : 6 000 euros brut, soit 80 % de l’enveloppe parlementaire du député.

Au passage, ce fut une belle progression salariale pour celle qui, comme assistante parlementaire de son mari, touchait jusqu’ici environ 3 000 euros net. « Elle était rémunérée presque comme vous », tacle la présidente. La remarque glisse sur Marc Joulaud, qui préfère détailler tout ce que lui a apporté Penelope Fillon.