«Il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui travaillent peu pour toucher de l’argent public. » Au moment où il prononce cette phrase, le 20 septembre 2012 à Poitiers, dans un discours pour briguer la présidence de l’UMP, François Fillon ne se doute pas qu’un jour, elle lui sera retournée devant un tribunal. En ce mardi 10 mars 2020, le procureur Aurélien Létocart est lancé depuis moins d’une heure dans son réquisitoire. Plusieurs fois, il cite l’ancien Premier ministre. Lorsque celui-ci, opposé à une hausse du Smic, déclare encore, le 6 juin 2012 : « C’est trop facile d’être généreux avec l’argent des autres, au détriment de l’emploi des autres. » Au travers de ces paroles rapportées, le procureur pointe le « cynisme » d’un homme « qui avait fait de la probité sa marque de fabrique ». Assis côte à côte, les époux Fillon ne lui décochent aucun regard.
Même visages fermés et postures d’indifférence, trois heures plus tard, à l’énoncé des peines lourdes requises par le parquet. Cinq ans de prison dont deux ferme à l’encontre de François Fillon, assortis d’une peine de 375 000 euros d’amende et de dix ans d’inéligibilité ; trois ans de prison avec sursis et 375 000 euros d’amendes sont requis à l’encontre de Penelope Fillon ; deux ans avec sursis et 20 000 euros d’amende contre le suppléant Marc Joulaud, qui brigue un nouveau mandat de maire de Sablé-sur-Sarthe. Aurélien Létocart a appelé le tribunal à rendre « une décision à la hauteur de la légitime exemplarité attendue d’un prétendant à la magistrature suprême ». Il lui a aussi enjoint d’intégrer dans son jugement « l’absence de toute remise en cause » de la part de François Fillon, qui s’est « enfermé dans sa dénégation ». Quant à Penelope Fillon, même si elle n’a pas joué un « rôle moteur », elle est décrite comme une « victime consentante des agissements de son mari ».

Pour le parquet, l’affaire ne fait aucun doute. Penelope Fillon a bien occupé plusieurs emplois fictifs comme collaboratrice parlementaire de son mari et de son suppléant, Marc Joulaud. Rien ne justifie d’avoir perçu plus d’un million d’euros de fonds publics sous forme de salaires entre 1998 et 2013. Le procureur liste tout ce qui manque pour caractériser une activité professionnelle : Penelope Fillon n’avait pas d’agenda, pas d’adresse mail, pas de badge pour entrer à l’Assemblée nationale, pas de bureau ailleurs qu’en son manoir de Beaucé, ni de lien de subordination.