Le 22 juillet 2000, des ramasseurs de champignons découvrent des ossements humains dans le bois de Sugny, en Belgique, tout près de la frontière française. Déposé sous un sapin, « à même le sol, dans ce grand massif forestier très giboyeux par quelqu’un d’avisé », selon l’enquêteur belge appelé sur place, « le cadavre est décharné, attaqué par les animaux sauvages. Les os sont éparpillés dans un rayon de 5 kilomètres », dans cette zone à sangliers à laquelle peu de gens ont accès, à part les débardeurs. Alerté, le commandant Daniel Bourgard de la police judiciaire (PJ) de Reims, chargé des crimes dans la région, se rend sur les lieux, « à 300 ou 400 mètres de la route qui longe la frontière au nord de Floing (Ardennes) jusqu’à Bouillon, en Belgique », explique-t-il aux Jours. Sur la scène de crime, les restes d’un jean corsaire, d’un chemisier blanc et d’une basket Adidas bleue de pointure 38 correspondent à la tenue d’une jeune femme disparue : Céline Saison, 18 ans, enlevée le 16 mai 2000, à Charleville-Mézières. Un officier de PJ de Reims se fait cette réflexion à haute voix : « Tiens, on est à une paire de kilomètres du château de Fourniret, où on l’avait entendu en 1990 » (lire l’épisode 9, « Michel Fourniret cerné par les soupçons »). Mais ça ne fait pas tilt dans leur esprit.
À cette époque-là, dix ans auparavant, la PJ de Reims enquêtait sur le blanchiment d’argent d’Action directe et sur un trafic d’armes entre la France et la Belgique. En 1990, les policiers avaient débarqué dans son château ardennais du Sautou, à Donchery, car sa fortune était suspecte pour un ouvrier, et qu’il avait été précédemment en cellule avec Jean-Pierre Hellegouarch, bandit lié au groupe d’extrême gauche (lire l’épisode 3, « L’étrange détenu Fourniret »). À la PJ de Reims, le nom de Fourniret était donc couché sur des fiches liées au banditisme, pas dans des affaires sexuelles, malgré plusieurs condamnations, en 1987 et en 1991. « Or, on s’intéresse aux obsédés sexuels et à tous d’ailleurs, car on n’a rien, aucun signalement du ravisseur de Céline Saison. »
Deux jours après la découverte du corps dans la forêt, le médecin légiste identifie formellement la victime mais ne peut déterminer les causes de la mort ni si elle a été violée : « On pense à un détraqué sexuel qui connaît la région et possède un véhicule. On les recense. » À l’exception du curieux ancien châtelain du coin, ce Michel Fourniret perdu de vue par la police, le commandant Bourgard « rame pendant deux ans ».