La chronique judiciaire ressemble parfois à une critique de théâtre, surtout au moment des plaidoiries. Les lieux, l’atmosphère dramatique et le silence obligatoire se prêtent bien à cet exercice un peu convenu. Évacuons donc la tradition dès le premier paragraphe, nous n’y reviendrons plus. Vendredi, Jérémie Assous, l’avocat de sept des huit prévenus de Tarnac, a plaidé. Il a remonté la manche droite de sa robe sur sa chemise blanche, jusqu’au coude, retrouvant ainsi une latitude suffisante pour agiter le bras. Il n’a pas été éloquent, plutôt haché, parfois confus, avec des tics de langage déjà agaçants les jours précédents : pour lui, tout est « extrêmement important », « extrêmement intéressant » ou « extraordinaire ». Il trouve beaucoup d’éléments du dossier « très curieux » sans qu’on comprenne toujours pourquoi, et ce n’est pas faute de s’y être penchés au fil des années. Il semble par moments se comporter comme un enfant, capable de foncer bille en tête sans écouter personne ou de jouer avec les tubes retrouvés dans la Marne comme si c’était des Lego.
Pour se chauffer, l’avocat commence par évoquer les arrestations, ce « show du 11 novembre » (2008) qui « part en fanfare » – gardes à vue, perquisitions, audition du témoin 42, en fait un voisin légèrement affabulateur (lire l’épisode 6, « Une histoire de témoin pas croyable »). Il fustige une « DCRI omniprésente » dans l’enquête, portant atteinte « au principe de loyauté et à celui du contradictoire ». « La justice, dans cette affaire, ne s’est jamais intéressée à la vérité. Vous n’avez pas à juger uniquement des faits, mais surtout des méthodes, tolérées voire encouragées par certains magistrats. Cette affaire, quelle que soit l’issue de ce procès, le ministère public et l’instruction l’ont perdue. » Jérémie Assous tient à répondre à la tirade du procureur contre « la personnalisation » des débats. Il annonce qu’il appellera désormais les procureurs Olivier Christen et Nicolas Renucci « P1 » et « P2 », à la manière des policiers anonymes de la Sdat, T1, T2, T3, T4 et T5 (lire l’épisode 7, « Au tribunal, un théâtre d’ombres policières »). Puis renoue avec sa cible préférée d’avant, le juge d’instruction Thierry Fragnoli, son « obstruction » permanente aux demandes de la défense et son bureau « décoré de médailles de la Sdat ». « Il n’a jamais été un juge d’instruction dans ce dossier, c’était Super Procureur, SP1. »

Le boulot de Jérémie Assous, dans sa plaidoirie, était simple : démonter le procès-verbal de filature, dernier élément franchement à charge qui incrimine Julien Coupat – et Yildune Lévy, dont il n’est pas l’avocat – dans le sabotage de Dhuisy (lire l’épisode 4, « La nuit de l’invraisemblable filature »).