Si on voulait poursuivre la peinture de ce Mondial par une métaphore footballistique, on décrirait les messages « écologistes » de la Fifa comme un but contre son camp. La besace de l’organisation était pourtant déjà bien pleine pour cette Coupe du monde qatarie, avec la possible corruption planétaire ayant présidé à son attribution en 2010, les cadavres de travailleurs exploités sur les chantiers de construction (lire l’épisode 1, « Au Qatar, Amnesty la met au fonds »), les sombres arrangements géopolitiques qui sous-tendent l’événement (lire l’épisode 2, « Qatar, le monde au Doha et à l’œil »). On pouvait penser que tout cela suffirait pour alimenter la légende noire du Mondial le plus scandaleux de l’histoire. Pourtant, aidés sans doute par des myriades de communicants et de consultants qui bourdonnent autour du pot de miel du foot business, la Fifa et le Qatar se sont mis en tête d’en rajouter et de prétendre repeindre l’épreuve en vert. Ils ont promis de neutraliser son impact sur le changement climatique.
Une Coupe du monde zéro carbone, comment est-ce possible, en plein désert, avec des stades neufs climatisés qui accueilleront des millions de fans ? Simple, répondent les organisateurs : grâce au mécanisme de compensation par achat de « crédits carbone » et avec l’aide du concept très « compact » de ce Mondial qui se déroule dans une seule agglomération. Saupoudrez d’un peu de panneaux solaires, de quelques espaces verts et le tour est joué. « La stratégie de développement durable de la Coupe du monde 2022 nous permettra de réaliser un tournoi qui installera de nouveaux repères pour le développement social, humain, économique et environnemental », proclame-t-on modestement dans les productions officielles. C’est pourtant bien un « auto-goal » légendaire de communication, puisqu’une petite ONG écologiste, Carbon Market Watch, n’a eu aucune peine à démasquer l’imposture derrière les promesses.
C’est une évidence, un tournoi international de football est par essence dévastateur en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Il consiste en effet à construire ou réaménager à grands coups de CO2 des équipements pharaoniques, éventuellement abandonnés ou sous-utilisés après l’épreuve, car souvent surdimensionnés. Les Jours ont ainsi narré l’histoire du nouveau stade de Bordeaux construit pour cinq petits matchs de l’Euro 2016, une Rolls digne de la Ligue des champions qui sonne le creux en 2022 pour un club des Girondins relégué en Ligue 2.