C’est un groupe de jeunes hommes heureux, admirés, qui vivent à l’abri du besoin par le miracle d’un jeu de balle. Ils font face à une injustice. Pourquoi s’en préoccuperaient-ils ? Sont-ils comptables des souffrances des faibles ? Assis ce jour-là dans le hall d’un hôtel luxueux, à la veille d’un grand match, ils y réfléchissent et ne parlent nullement de tactique, ni de préparation physique. « Pourquoi pas une banderole avec l’inscription “Gagner ou perdre, mais toujours en démocratie” ? », propose l’un d’eux. « Génial ! », s’écrient les autres. Cette banderole et ce slogan d’apparence banals seront des missiles contre la tyrannie. Ils détruiront la peur en montrant à toutes les victimes qu’elles ne sont pas seules. Les joueurs devenus héros des opprimés maintiendront cette tactique jusqu’à la fin de la dictature.
Cette réunion ne s’est pas tenue au Qatar, bien sûr, mais au Brésil, en 1983, entre les footballeurs de l’équipe mythique des Corinthians de São Paulo, qui imaginèrent la « démocratie corinthiane ». En pleine dictature militaire, ils faisaient la nique aux tortionnaires et aux criminels en élisant leur coach et leur président, en votant même sur le contenu des entraînements.