Voilà comment ça se passe. C’est un protocole de recherche inédit, parfois déroutant. Pourtant, tout est fait pour rassurer ceux qui s’y prêtent. Un van attend les volontaires à la mairie du XIe arrondissement de Paris, l’un des plus touchés par les attentats, de Charlie Hebdo au Bataclan, et les emmène à 17 kilomètres de là, à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), dans les bâtiments austères de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Ces trajets sont silencieux. Ou alors on parle de la météo ou de la circulation. La distance permet de s’éloigner du quotidien et de plonger en soi, de se préparer à une mise à nu consentie dont on pressent l’utilité, le réconfort peut-être.
Sur place, les volontaires sont accueillis avec beaucoup d’égard, gestes délicats et timbre doux ; ils sont maquillés et le fard est comme un nouveau visage qui leur permettra d’affronter les caméras. Ils sont là pour contribuer à un gigantesque programme de recherche lié aux attentats (auquel j’ai moi aussi participé, comme je l’avais raconté dans un épisode de Vendredi ou la nuit sauvage, journal de bord du quartier du Bataclan, écrit dans la foulée du 13 Novembre).
Ils se sont engagés à témoigner à quatre reprises sur dix ans – en 2016, 2018, 2021 et 2026. Filmés, guidés par un enquêteur, ils racontent leur soirée du 13 Novembre, et l’après : comment son souvenir s’immisce et trouble (ou pas) la vie de tous les jours, le travail, les habitudes, le sommeil, les rêves.