Parfois, les questions donnent le tournis. Par exemple, je trouve vertigineux de se demander quel est « l’impact social et politique des attentats ». Et surtout d’y répondre. Sylvain Antichan, 35 ans, planche sur ce questionnement. Il est docteur en sciences politiques. Il a été sélectionné pour un programme de l’Open Society Foundation, la fondation de George Soros, parmi 150 candidats afin de travailler pendant un an et demi à partir de cet intitulé. Il doit rendre ses conclusions en janvier prochain.
Ces interrogations me semblent déjà vastes à l’échelle individuelle et intime, mais c’est encore plus délicat à celle d’un pays, une nation toute entière. Surtout quand le débat public est trempé d’idéologies, et que ces questions si souvent instrumentalisées nourrissent les machines à dénoncer de tous bords… Alors comment procède-t-on ? Quelle méthode ? Est-ce dans ces moments-là que le temps – long – de la recherche s’avère le plus utile ? Faut-il être modeste ?
J’ai parlé de tout cela avec Sylvain Antichan dans un café en face de l’immeuble de verre et de métal qui abrite la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), à Paris. Il m’y attendait avec un espresso et son ordinateur portable ouvert devant lui. Spécialiste de la mémoire, il a également collaboré avec les chercheurs Gérôme Truc (lire l’épisode 3, « Saisir la sidération ») et Sarah Gensburger (lire l’épisode 4, « Raconter son quartier après les attentats ») sur les modes de commémoration des attentats, dont j’ai parlé dans les épisodes précédents de cette série. Le projet de recherche sur l’impact social et politique des attentats financé par la fondation de Georges Soros est intégré à un vaste programme de la Fondation Maison des sciences de l’homme, chapeautée par le sociologue Michel Wieviorka. Après les attentats de Charlie et de l’Hypercacher en janvier 2015, persuadé qu’il fallait « relancer la machine à produire des connaissances », ce dernier a mis en place un dispositif international et pluridisciplinaire sur « la violence et la sortie de la violence », composé d’une dizaine de groupes de chercheurs. Le travail de Sylvain Antichan y a été incorporé.

« Là, les objectifs de la recherche sont déjà posés, à moi de voir comment les retraduire », explique Sylvain Antichan. Voici son point de départ (extrait du communiqué de presse) – attention, il faut prendre une grande inspiration. Je cite :