Sous le pont du périphérique parisien, cinq bennes vertes gonflées d’ordures forment une chenille immobile. Il est 9 heures, ce lundi 27 mars. L’heure de pointe pour le centre d’incinération des déchets d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), qui n’admet pourtant qu’au compte-gouttes les camions chargés de convoyer les poubelles de quatorze villes d’Île-de-France. À l’entrée du site coincé entre la Seine et les voies d’Austerlitz, casque sur le crâne, Lionel fait un rapide recensement : « Il n’y a que huit camions qui sont rentrés, contre 200 d’ordinaire. » Des engins bifurquent dans les rues adjacentes, d’autres klaxonnent en guise de soutien.
Le gréviste de 30 ans, qui préfère taire son nom, travaille en trois-huit à l’usine gérée par Suez pour le syndicat mixte des déchets, le Syctom. Trois semaines durant, Lionel et ses collègues ont mis l’incinérateur à l’arrêt pour protester contre le recul de l’âge de départ en retraite. Dans leurs métiers, on meurt déjà plus tôt qu’ailleurs… Les bennes ont trouvé portes closes, le panache de la cheminée a disparu du ciel. Jusqu’à ce que, vendredi, la préfecture réquisitionne une partie du personnel. Centre de destruction des ordures et de production d’énergie, le lieu est hautement stratégique. Alors, depuis lundi, les adversaires du projet de loi bloquent l’accès au site pour freiner de nouveau l’activité. Ivry est l’un des épicentres d’une contestation désormais protéiforme.