Et si le 8 mars 2023 s’annonçait comme la première grève féministe d’ampleur en France ? Après une trêve de deux semaines, vacances scolaires oblige, l’intersyndicale opposée à la réforme des retraites a promis de mettre « la France à l’arrêt » la veille, ce mardi 7 mars – 3,5 millions de manifestants dans toute la France, selon la CGT ; 1,2 million selon la police, quoi qu’il en soit une énorme mobilisation. Et appelle à prolonger le mouvement le lendemain, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. La date ne doit rien au hasard. Depuis le début de la mobilisation, les opposants au projet de loi l’attaquent sous un angle inhabituel, qui a pris le gouvernement de court : les femmes, déjà pénalisées par les inégalités de salaire et de carrière, seraient aussi les « grandes perdantes » de la réforme des retraites.
Aujourd’hui déjà, la retraite d’une femme ne vaut pas celle d’un homme. En 2020, la pension à laquelle lui donnent droit ses années de travail s’élevait, en moyenne, à 1 154 euros par mois contre 1 931 euros pour un homme. Soit 40 % de rabais, selon la Drees. En y ajoutant les pensions de réversion – celles des époux décédés, qui bénéficient majoritairement aux femmes –, l’écart reste de 28 %. Les femmes sont par ailleurs contraintes de travailler plus longtemps : elles partent en retraite à 62 ans et 7 mois en moyenne, contre 62 ans pour les hommes. Beaucoup traversent avant cela une période de précarité. En 2015, les femmes représentaient 52 % des personnes âgées de 53 à 69 ans, mais jusqu’à 66 % des « NER », ces « ni en emploi ni en retraite », pour qui le recul de l’âge de départ en retraite s’annonce comme un châtiment de plus (lire l’épisode 3, « Emploi des seniors : KO boomers »).
« La retraite reproduit les inégalités du monde du travail, mais elle les aggrave aussi », constate Angeline Barth, secrétaire confédérale à la CGT. Parce que le système français par répartition est fondé sur les salaires, via les cotisations, les écarts de pensions reflètent en partie les inégalités de rémunération, de 22 % en moyenne. D’autres spécificités majoritairement féminines accentuent les écarts entre les genres. « Les femmes ont plus souvent des carrières incomplètes et une réduction de leur activité, via des temps partiels, pour s’occuper des enfants », détaille la syndicaliste. Ce qui minore leur pension et les contraint à travailler plus longtemps pour toucher une retraite à taux plein.
Une femme de ménage en insertion au centre d’hébergement et de réinsertion sociale Relais des carrières, à Paris, le 3 juillet 2019
— Photo Jeanne Frank/Divergence.
Celles qui ont eu des enfants bénéficient certes d’un mécanisme de compensation, via des trimestres cotisés supplémentaires : un môme « rapporte » jusqu’à huit trimestres.