Ce mardi, c’est la rentrée de la grève. Un peu plus de quinze jours après la dernière journée de mobilisation contre la réforme des retraites, des trains resteront à quai, des écoles seront fermées et des centaines de milliers de citoyens vont à nouveau manifester pour réaffirmer que « 64 ans, c’est non » (lire l’épisode 1, « Les 64 ans entre quatre-z-yeux »). Les syndicats promettent une « France à l’arrêt ». Une manière de hausser le ton et de tenter d’ouvrir un nouveau chapitre. Car si nombre d’observateurs s’accordent à décerner aux confédérations un sans-faute dans la conduite des protestations, le projet de réforme n’en poursuit pas moins, cahin-caha, sa route vers son adoption par le Parlement. Le texte est arrivé au Sénat, où la majorité de droite et centriste lui réserve un bon accueil. D’où une question en forme de paradoxe : un mouvement social peut-il être un succès tant qu’il n’a pas atteint ses fins ?
À l’épreuve du comptage humain, le bilan est incontestablement positif pour les syndicats. Certes, toutes les réformes des retraites ont donné lieu à des cortèges d’ampleur, mais les manifestations « des 19 et 31 janvier 2023 ont été les plus importantes depuis une trentaine d’années, constate Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l’université de Bourgogne et spécialiste du syndicalisme. Même en se fondant sur les chiffres de la police, les plus sévères, on est un peu au-dessus de ceux de 2010 et un bon tiers au-dessus de 2019-2020 ». La réforme de 2010 avait repoussé de 60 à 62 ans l’âge légal du départ en retraite. Celle

La mobilisation contre ce dernier projet avait été marquée par une grève longue et suivie dans les transports, mais elle s’était peu étendue au-delà. À l’inverse, « le mouvement actuel se caractérise par une participation beaucoup plus large, observe Sophie Béroud, professeure de science politique à l’université Lumière Lyon-II. On voit des manifestants défiler pour la première fois dans un cadre syndical, y compris issus des classes populaires, du salariat d’exécution. Leur présence est bien perçue par les organisations syndicales qui voient un potentiel de nouvelles recrues ». Divers dans sa sociologie, le mouvement l’est aussi dans sa géographie. « Il s’étend sur tout le territoire et recoupe la carte des gilets jaunes », souligne Sophie Béroud.