Turquie, envoyée spéciale
C’était un ancien parking, ou peut-être était-ce un terrain vague, à côté d’un petit centre commercial, vide, mais encore debout, à quelques dizaines de mètres de l’opération de sauvetage à laquelle j’ai assisté dans une Antakya aujourd’hui presque totalement détruite (lire l’épisode précédent, « “La route bougeait comme des vagues” »). Aujourd’hui, 132 tentes y sont alignées méthodiquement le long de la route, toutes floquées du sigle de l’Afad, l’organisation gouvernementale turque en charge de la gestion des catastrophes. Ils sont 585 précisément à vivre ici, dans leur immense majorité des Syriens. Les Turcs ont pour la plupart quitté la région, sont partis chez des proches, loin d’Antakya. Le camp a été monté une petite semaine après le séisme du 6 février qui a fait plus de 50 000 morts et semble être là pour durer.
Nous voulions passer un soir pour assister à la distribution du dîner. Refus poli des soldats qui gardent le camp. « Revenez demain matin », nous indique Elkan, un des militaires, au sourire forçant la gentillesse. Il n’y a pas de couvre-feu officiel à Antakya, mais dès que le soleil se couche, la ville est plongée dans le noir et il est mal vu de s’y promener en pleine nuit, quand les pilleurs sévissent. Quelques jours auparavant, les soldats n’étaient pas encore présents et le camp, accessible à tous. On y sentait une ambiance douce, malgré l’horreur de la situation.