Non, les vieux qui ne travaillent plus et sont dépendants ne sont pas inutiles et ne vont pas nous coûter plein d’argent. Grâce à leurs besoins qui augmentent, ils vont générer une offre qui va nous permettre de gagner plein de points de croissance, faire naître des centaines de start-up et créer des centaines de milliers d’emplois. Voici le discours à peine caricatural brandi depuis quelques années par une partie des pouvoirs publics et des professionnels promoteurs du concept de « silver économie », c’est-à-dire de l’ensemble des activités économiques liées aux personnes âgées, en forte augmentation donc du fait du vieillissement de la population. Cette conception a beau être beaucoup plus sympathique que le discours décliniste – qui fait des vieux les responsables de tous les maux du pays –, est-elle pour autant vraie ? Le secteur de la silver économie a-t-il décollé et constitue-t-il véritablement un marché d’avenir ?
Pour avoir un début de réponse, je suis me suis rendu à un événement organisé par Agnès Buzyn. Le 22 octobre dernier, la ministre de la Santé avait convié la presse et les professionnels du secteur à assister à l’intronisation du nouveau patron de la filière silver économie – en la personne de Luc Broussy, un spécialiste des questions liées aux personnes âgées. Et là, tout de suite, un premier indice m’a sauté à la figure (métaphoriquement, hein !) : la silver économie ne doit pas aller très bien puisqu’Agnès Buzyn n’a, au cours de son discours, donné aucun bilan chiffré du travail de son prédécesseur (Gilles Schnepp, le patron de Legrand, animateur de la filière depuis sa création en 2013). Pire, dans son discours, elle a à la fois fait part de sa volonté de « donner une nouvelle impulsion » à la filière et annoncé aussi « le lancement » de cette même filière. Comme si la ministre estimait qu’on se trouvait aujourd’hui dans la même situation qu’il y a cinq ans.
Pour comprendre ce sentiment de surplace, il faut revenir sur les conditions de la création de la silver économie. Et sur le rôle déterminant joué par Michèle Delaunay, ministre des Personnes âgées de 2012 à 2014, médecin de formation. Cette militante du « bien vieillir », aujourd’hui simple conseillère municipale de Bordeaux, a popularisé le concept de silver économie car elle voulait à la fois répondre à une sorte de défi politique lancé par François Hollande et donner une nouvelle image des personnes âgées.