Il y a quasiment trois mois jour pour jour, à la sortie d’une réunion interfédérale près de la Gare de l’Est, à Paris, le patron de la CGT-Cheminots Laurent Brun brandissait devant les caméras un calendrier imprimé sur une feuille A3. Les 36 dates entourées au feutre rouge annonçaient une grève sans précédent à la SNCF. D’abord par son tempo inédit, le désormais fameux « deux jours sur cinq ». Puis par la solidité de l’unité syndicale : contre toute attente, les quatre organisations représentatives se sont pliées au planning jusqu’au bout, hormis la CFDT séchant la mobilisation deux jours pour le bac. Et enfin par sa durée. La grève a battu en endurance les 28 jours d’arrêt de travail de l’hiver 1986 – un conflit sur les salaires – et les 22 jours de 1995. La course de fond arrive toutefois à son terme jeudi 28 juin, jour d’épilogue de la grève programmée. Et les syndicats ne sont plus d’accord sur la suite à donner au conflit... Tous assurent pourtant vouloir encore se faire entendre, car le vote du « pacte ferroviaire » ne signe pas la fin des débats.
L’adoption au Parlement du texte de loi a confirmé mi-juin les trois piliers de la réforme. Son objectif était de transposer en droit français le « quatrième paquet ferroviaire européen », une série de mesures instaurant la libéralisation du train dans l’UE. Depuis 2001, les précédents « paquets » avaient visé le fret, puis les lignes internationales. Avec ce dernier chapitre consacré aux trains de voyageurs, la SNCF abandonne son ultime monopole. La loi fixe le calendrier. Les TER ouvriront le bal dès 2019, les régions ayant l’obligation de passer des appels d’offres à partir de 2023. Les TGV suivront en 2020, puis les trains d’Île-de-France, de 2025 à 2033. Pour limiter les possibilités d’endettement de SNCF Réseau, la compagnie ferroviaire devient une société anonyme, et non plus un établissement public. À la demande des syndicats, la majorité au Parlement a fini par accepter de préciser que son capital, « intégralement détenu par l’État », resterait malgré tout « incessible », comme ceux de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau.

Toujours au prétexte de préparer la SNCF à se bagarrer avec la concurrence, le gouvernement a obtenu, comme prévu, la mort du statut de cheminot, accusé de coûter trop cher.