Depuis début juillet, les gares vivent au rythme des départs en vacances. Les cheminots les plus engagés contre la réforme ferroviaire, eux, reprennent le travail. Le calendrier de grève de trois mois, inauguré début avril, s’est achevé le 28 juin. La mobilisation n’est plus qu’épisodique et devrait encore s’alléger. Jean-François Denoyelle, formateur et représentant SUD Rail au comité d’établissement, avait fait de la lutte un boulot à plein temps. Le réveil est brutal, avec des supérieurs pas ravis de cet intermède prolongé, dans une équipe peu gréviste. Serge Fournet, employé au technicentre de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) s’est vu décompter soixante jours de travail, plus quatre jours de congés, la punition bonus au-delà d’un gros volume d’absences. Il savait à quoi s’attendre : délégué du personnel, encarté CGT, mais peu convaincu par la grève en pointillés, il a cessé le travail en continu.
Si les cheminots suivis par Les Jours depuis mars ne veulent pas croire à la fin du combat, l’heure est à un bilan. Parmi les succès, tous se félicitent d’avoir tenu dans la durée. « Le mouvement a marqué l’opinion et on n’a pas lâché le morceau, relève Serge Fournet. C’est ce qui fait que si ça doit repartir dans quelques mois on sera prêts. C’est un gage pour demain. » Quand nous l’avions rencontré fin mars à la cité cheminote de Chelles (Seine-et-Marne), Jean-François Denoyelle assurait vouloir se battre pour le service public. « Je n’ai aucun regret. Je peux me regarder dans la glace », glisse-t-il aujourd’hui. Comme lui, le corps des cheminots a largement exprimé son mécontentement. Soit lors des premiers jours de grève, où un tiers des 140 000 salariés ont cessé le travail, et jusqu’à 77 % des contrôleurs et conducteurs ; soit lors de la consultation organisée en mai et la victoire du « non » au pacte ferroviaire, à 94,97 % (lire l’épisode 10, « L’avis du rail »). « À l’exécution (le personnel hors cadres et agents de maîtrise, ndlr), je ne connais pas beaucoup de gars qui n’ont fait grève aucun jour », se félicite Serge Fournet.

Pour le noyau dur des grévistes, la détermination semble aussi forte qu’au premier jour. Malgré la réforme adoptée au Parlement sans encombre, malgré les fiches de paie en berne. Serge Fournet a été bluffé par la manif interprofessionnelle du 28 juin. Les cheminots ont pris la tête du cortège.