Enroulé en haut d’un pylône au-dessus des quais de la gare de Vaires-sur-Marne, en Seine-et-Marne, visible depuis les TGV et les TER qui s’échappent de la capitale, un drap blanc tagué de noir annonce : « Grève générale ». Lundi 9 avril, au quatrième jour de la mobilisation des cheminots contre la réforme ferroviaire, c’est encore loin d’être une réalité. Mais tous les agents SNCF hostiles au projet aspirent à voir émerger ce puissant mouvement, cette vague massive capable de faire ployer le gouvernement. Pour l’heure, à l’issue de deux arrêts de travail de deux jours, le Premier ministre Édouard Philippe a réaffirmé son intention « d’aller jusqu’au bout ». Une formule répétée au mot près jeudi sur TF1 par le président de la République, Emmanuel Macron. Ni l’ouverture à la concurrence, ni la transformation de la compagnie en une société anonyme, ni la fin des recrutements au statut, ne sont négociables, hormis sur leurs modalités, a-t-il affirmé. Les syndicats affichent une détermination aussi forte. Ils ont quitté vendredi le ministère des Transports furieux, dénonçant une concertation aux airs de « mascarade ». Alors, les cheminots grévistes s’interrogent : comment, sur le terrain, débloquer la situation en leur faveur ?
La dernière fois, on nous a expliqué qu’il fallait restructurer le fret pour le sauver. Résultat, il est mort. […] Cette fois, le gouvernement prétend vouloir sauver le service public. C’est la même rengaine, qui peut les croire ?
En milieu de matinée, comme chaque jour de grève, rendez-vous était donné pour une assemblée générale. Il s’en tient dans les principales gares. Au pied du pylône, une quarantaine de cheminots patientent sous une pluie fine devant la « résidence traction », bâtiment blanc préfabriqué où se réunissent les conducteurs, au bout d’une rue étroite qui longe les quais. Vaires-sur-Marne a longtemps hébergé une imposante gare de triage étalée sur plusieurs faisceaux, des groupes de voies permettant de séparer les wagons, puis de les réassembler. L’activité était telle qu’elle avait justifié, dans les années 1920, la construction à moins d’un kilomètre d’une cité de plusieurs centaines de logements (lire l’épisode 1, « Derrière la grève, leur vie sur les rails »). Tour à tour agent de manœuvre, aiguilleur, agent commercial, Jean-François Denoyelle vit dans le quartier et connaît la gare comme sa poche. « Là, c’était la rame de débranchement, décrit-il en pointant du doigt une friche. Maintenant, c’est mort. » L’activité de fret périclite et le triage avec.

Le spectre du fret, c’est ce que convoque le premier intervenant de l’assemblée générale, Christophe, responsable du site pour SUD Rail.