Comment se porte la grève à la SNCF ? Au mieux de sa forme ou menacée d’essoufflement ? Ces derniers jours, alors que débute ce lundi une cinquième session d’arrêt de travail, les cheminots rejouent l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. Dans les assemblées générales comme lors de la manifestation interprofessionnelle du jeudi 19 avril, les grévistes se divisent globalement en deux camps : ceux qui assurent que la stratégie des « deux jours sur cinq » porte ses fruits, car elle permet d’inscrire le mouvement dans la durée ; et ceux qui s’inquiètent de ne pas rallier plus d’agents à leur cause, malgré de nouvelles annonces du pouvoir promptes à fâcher les cheminots.
Le gouvernement et la direction de la SNCF foncent en effet tête baissée dans la réforme. Lundi 16 avril, sourde aux premières semaines de grève, cette dernière annonçait la filialisation du transport de marchandises. Deux jours plus tard, Matignon faisait savoir que le recrutement au statut de cheminot cesserait dès janvier 2020, alors que la « concertation » avec les syndicats n’est pas terminée. De quoi fâcher ces derniers. « [C’est] une attaque frontale contre la démocratie sociale et son principe de négociation, a aussitôt dénoncé la CFDT dans un communiqué. La posture gouvernementale a pour objectif de laisser croire que tout est joué et/ou rechercher la radicalisation du conflit et/ou sa prolongation. » Le lendemain, les organisations syndicales ont d’ailleurs décidé de suspendre leur participation aux réunions programmées au ministère des Transports, en réclamant de négocier directement avec le Premier ministre. Et appellent à « amplifier le mouvement ». Mais comment ?

Mercredi, à l’assemblée générale de la gare du Nord, à Paris, l’ambiance est un peu morose. Environ 80 personnes sont ce matin-là réunies au bout de la voie 36, dont des étudiants de l’université Paris-I dite (Tolbiac) et des personnels hospitaliers venus exprimer leur soutien. Les premiers jours de grève, les AG de la plus grande gare d’Europe attiraient plus d’une centaine de cheminots. Anasse Kazib, délégué syndical SUD Rail sur le site, confie son blues au micro. « On est moins nombreux qu’avant, déplore-t-il. La réalité, c’est qu’on peut faire tous les discours révolutionnaires qu’on veut et se raconter des histoires, on est au huitième jour de grève et ça ne prend pas. On est passé de seulement un TGV sur dix qui circule à un TGV sur trois. »
On est partis avec des taux records de grévistes que l’on n’avait pas atteints lors des précédents mouvements. Forcément, on sait que ça retombe toujours un peu.
Pour lui, l’inertie a un nom : le « deux-cinq », le calendrier de grève décidé mi-mars par les syndicats et largement respecté par les grévistes, même si certaines assemblées générales votent pour une reconduction des arrêts de travail au jour le jour.