Vincent Martinez s’apprête à se rendre au palais de justice de Bobigny (Seine-Saint-Denis) avec une impression de déjà-vu. Cet ancien magasinier et syndicaliste CGT d’Air France, 28 ans, comparaît en correctionnelle mardi et mercredi pour « violences en réunion ». Il est accusé d’avoir poussé un vigile le 5 octobre 2015. Ce jour-là, les salariés de la compagnie manifestent contre un plan drastique de suppressions de postes. La mobilisation dégénère et se solde par l’arrachage des chemises de deux cadres. Le procès aurait dû se tenir le 27 mai. Mais le président du tribunal constatant qu’un seul jour d’audience ne suffirait pas, le procès a été reporté à cette fin de mois de septembre pour pouvoir se tenir sur deux jours (lire l’épisode 9, « “Je suis pressé d’en découdre !” »). « Pour que les débats aient lieu sereinement, a-t-il justifié, pas à la sauvette. »
Ce faux départ a servi de répétition générale. Vincent Martinez sait que, ce mardi, un comité de soutien l’attendra au pied du tribunal. La CGT – son syndicat – sera là, avec une intersyndicale Air France, et même des retraités mobilisés pour sa défense. Une nuée de journalistes réclamera un commentaire. Les images du DRH d’Air France juché torse nu sur une grille ont fait le tour du monde. Xavier Broseta, le cadre en question, en passe de rejoindre le groupe Bolloré, devrait s’asseoir sur le banc des parties civiles. À ses côtés, Pierre Plissonnier, directeur des activités long-courrier à la chemise tout aussi malmenée, et des agents de sécurité privée. Côté accusés, Vincent Martinez et quatorze autres prévenus. Onze sont accusés de dégradations. Cinq comparaissent pour des violences dans le mouvement de foule dont les directeurs sont sortis en partie effeuillés. Vincent Martinez a eu près d’un an pour préparer sa défense. Plutôt serein, il la résume en une phrase : Je dois faire comprendre au président du tribunal que je ne suis pas un voyou.
Voyou
, comme le terme choisi par le Premier ministre Manuel Valls pour dénoncer les débordements, dès le lendemain des faits.

Vincent Martinez n’est pas renvoyé devant le tribunal pour arrachage de chemise, mais pour violences contre un agent d’une société privée, prestataire d’Air France. Deux vidéos seront projetées lors du procès. La première montre Vincent poussant le garde du corps chargé d’exfiltrer Xavier Broseta. Une poussette
, décrit Vincent Martinez, qui a fait chuter le duo et un second vigile. Vincent le regrette.