Au fur et à mesure de nos échanges, Susan Headley, alias Susy Thunder, la grande hackeuse oubliée des années 1980, devient plus coulante. Elle me parle de ses complexes. Elle ne sait pas vraiment comment s’y prendre pour se lier aux autres, au niveau humain, basique, me dit-elle. C’est peut-être à mettre sur le compte de ses traumas d’enfance (lire l’épisode 1, « La reine des pirates du téléphone a disparu »), mais elle a le sentiment d’avoir passé le plus clair de sa vie dans un état de dissociation. Les gens ne l’aiment pas, c’est tout, m’explique-t-elle. Récemment, elle a trouvé un médicament qui lui permet d’un peu mieux comprendre qui elle est. « Maintenant, je vois qui je suis et quelles sont mes motivations, dit-elle. Disons que si on m’avait donné le choix, j’aurais préféré avoir une autre personnalité. »
Les autres phreakers qu’elle fréquentait étaient portés sur la destruction. Ils voulaient semer le chaos, planter le service d’annuaire en ligne de la ville en le mettant dans une boucle sans fin ou mettre la main sur toute la zone géographique rattachée à l’indicatif 213. Ça ne l’intéressait pas. Tout ce qu’elle voulait, au bout du compte, c’était un peu de contrôle. Elle voulait avoir la certitude que si quelqu’un venait l’emmerder, elle aurait moyen de riposter. Si un connard la doublait sur l’autoroute