«Ils m’ont violé. Ils nous ont violés. D’abord, au Sénat, puis c’est passé à l’Assemblée. C’est le lobby pétrolier dans toute sa beauté qui a fonctionné avec des ingénieurs des mines qui dirigent tout l’ensemble. » L’homme qui use de cette formulation abusive s’appelle Robert Blot. Ce n’est pas un ministre de l’Environnement pestant après un arbitrage favorable à Total, c’est un ancien directeur général des impôts dont le témoignage a été conservé dans les archives du ministère des Finances. En 1953, ce haut fonctionnaire a assisté, impuissant, au vote au Parlement d’une mesure fiscale extrêmement favorable aux compagnies pétrolières : la provision pour reconstitution des gisements (PRG). Et plusieurs dizaines d’années plus tard, il en était toujours aussi ulcéré.
Le lobbying, la collusion entre intérêts privés et acteurs politiques, les « portes tournantes » des hauts fonctionnaires… On a parfois l’impression que ces maux de nos démocraties sont récents. Il n’en est rien. Bruno Le Maire n’est pas le premier ministre à se comporter en VRP de Total, comme il l’a fait en octobre en incitant ses compatriotes à « être fiers d’avoir une grande entreprise énergétique qui soit française ». Dès les années 1950, l’industrie pétrolière hexagonale s’était mise en situation d’imposer son point de vue à la volonté nationale. Ce que l’épisode de la PRG, que nous allons vous raconter, illustre parfaitement.
Dans l’histoire