Autour de la table, une quinzaine d’enfants et d’ados s’amusent. Non loin, les parents discutent. Dehors, le froid s’installe en ce dimanche soir à Paris. « C’est le moment que j’attends le plus dans le mois, lance Olivia, 15 ans. C’est important parce que ça me permet de me sentir moins seule pour affronter la transphobie. » Dans la Bulle, la maison des solidarités LGBTQI+, l’association transféministe OUTrans accueille une fois par mois des mineur·e·s trans et leurs proches, pour deux cercles de parole distincts. « On est là pour les aider à se sentir moins seul·e·s », explique Anaïs Perrin-Prevelle, coprésidente de l’association fondée en 2009. « Ces groupes de parole, c’est pour leur permettre de parler et de rencontrer des personnes comme elleux, continue-t-elle. Côté proches, on est là pour leur expliquer qu’il n’y a aucun deuil à faire, que leur enfant va bien et que ce n’est ni une maladie ni un effet de mode. »
Une part de gâteau à la main, Fiona, 12 ans, se remémore son coming out. Elle avait 9 ans et habitait à New York avec ses parents. « Tout s’est bien passé quand j’en ai parlé. Je l’ai dit presque tout de suite à ma mère et ça va. Maintenant, on est rentré·e·s en France et je l’ai dit à toute la classe et ça se passe bien avec l’école. Mais parfois, avec les élèves, c’est un peu compliqué. » À son retour en France, sa mère, Sarah, prend rendez-vous avec un généraliste pour savoir que faire. « On n’a pas assez de ressources pour l’accompagner correctement. Et dans les articles que je lis, ça parle de “tendance” et ça m’inquiète beaucoup pour elle et les violences qu’elle pourrait subir (lire l’épisode 5, « Dans les médias, “une fenêtre s’est ouverte sur les discours antitrans” »). Heureusement pour elle, elle s’en est rendu compte tôt. Ça va limiter sa dysphorie. » Après plusieurs mois d’attente, Fiona a fini par obtenir un rendez-vous chez un endocrinologue, médecin spécialiste des hormones (grossesse, infertilité, transition hormonale, etc.).
Mais pour avoir accès à des bloqueurs de puberté, Fiona doit aussi obtenir l’accord d’un·e psy, en plus de celui de ses parents et de son généraliste. Il lui faudra plusieurs mois pour bénéficier de ces médicaments utilisés depuis des décennies, notamment pour les enfants qui présentent une puberté dite « précoce ». Ils permettent de stopper le développement des hormones et, dès leur arrêt, la puberté revient en quelques semaines.