En ce mois de décembre, bonnet sur la tête, Léa, 42 ans, descend de son Vélib. Cette artiste parisienne, qui témoigne dans notre série La vie des genres, sort d’un rendez-vous médical. Elle est en retard pour sa journée de travail en salle de montage. Mais son vélo ne se bloque pas à la borne et le compteur continue de tourner, un dysfonctionnement classique qui se règle d’ordinaire en un coup de fil. « Sauf qu’au téléphone, la personne que j’ai eue n’a pas voulu m’écouter, explique Léa. Pour elle, j’étais un homme et donc le compte Vélib ne pouvait pas être le mien. » Pendant de longues minutes, Léa essaye de convaincre la personne au téléphone que oui, elle est bien une femme et que oui, c’est bien sa voix. Excédée, elle finit par lui dire qu’elle est une femme trans. Mais rien n’y fait. « J’étais prête à lui donner toutes les vérifications qu’elle voulait pour confirmer mon identité, mais la personne n’en avait rien à faire, pour elle je n’étais juste pas une femme. Point. »
Léa finit par demander à parler à un·e supérieur·e, elle est mise en attente. Entre-temps, le compteur du vélo s’arrête et Léa raccroche. « Je n’avais plus la force de continuer à débattre de mon identité par téléphone et en pleine rue, je tremblais. Cette violence transphobe, c’est extrêmement dur à encaisser au quotidien. Je voulais juste rendre mon vélo et la personne a mis en cause mon identité de femme. C’est insensé ! » Contactée, la société Vélib botte en touche. « Je me demande s’il y a vraiment une histoire de discrimination là derrière ou si c’est tout simplement le fait que normalement, le conseiller doit pouvoir parler à l’abonné. Cette dame, elle a un prénom de femme, enfin, comment dire. Comment ça marche ? », tente la directrice de communication du syndicat Autolib Vélib Métropole, Marthe Ozbolt, avant d’ajouter quelques explications plus tard : « Franchement, si on lui a dit ça, on ne peut que le condamner. » Peu après, elle précise toutefois qu’il n’y a pas de formation spécifique aux LGBTphobies dans son entreprise car elle n’en voit pas l’utilité. « Je ne vois pas à quel moment on va parler d’orientation sexuelle au téléphone. »
Je ne me sens pas encore à l’aise dans mon identité de genre, j’essaie d’être la plus invisible possible dans la rue. Par exemple, je ne porte jamais de tenue jugée trop féminine.
Léa, elle, réfléchit à porter plainte, mais l’épreuve de devoir, encore, défendre son identité de genre face à des personnes pas ou peu formées l’angoisse.