Ils sont petits, légers, le plus souvent blancs ou translucides. Ces granulés plastique sont la matière première de la plupart de nos objets plastique, une sorte de première étape entre le pétrole brut et votre pare-chocs ou votre bouteille de Coca. Dans la nature, surtout sur une grande partie des plages françaises, on en voit en tas, parfois par milliers au même endroit, parfois aussi en partie fragmentés. Dans notre enquête pour comprendre pourquoi la Seine dégueule de déchets, nous avons choisi de retracer d’abord le parcours de ces granulés de plastique, appelés plastic pellets ou nurdles en anglais.
Je n’ai pas eu à chercher bien loin. Le long de la Seine, entre Rouen et Le Havre, sont installés un grand nombre de sites pétrochimiques. Il a suffi d’identifier parmi eux les spécialistes du granulé, par exemple les producteurs Total Petrochemicals et ExxonMobil ou des logisticiens, moins connus, comme Katoen Natie. À proximité de ces usines, là où le fleuve croise d’immenses zones industrielles, on tombe sur des endroits totalement chaotiques. Sur certaines berges, on peut marcher sur des couches de plusieurs centimètres de hauteur de granulés.

En inspectant les alentours des usines d’ExxonMobil, de Total Petrochemicals et de Katoen Natie, j’ai vu de belles quantités de granulés volant à l’intérieur et à l’extérieur des sites mais aussi dans les canalisations pluviales qui en sortent. Selon le témoignage et les photos d’un habitant du coin, c’est très souvent le cas. J’ai donc contacté ces entreprises pour leur demander des comptes. Là, il faut que je vous prévienne : je pensais être rodé sur la lâcheté détritique après mes aventures havraises (lire les épisodes 1 et 2) et mes échanges avec Ferrero et Coca-Cola (lire l’épisode 3, « Coca, zéro sur les déchets »), mais leurs réponses ont atteint un très beau niveau de créativité.
Dans la catégorie « allez voir ailleurs si j’y suis », Total nous a encore (ça fait deux fois dans cette série depuis l’épisode 6, « Les excuses bidon ») fait le coup bien connu du « oui, oui, on vous rappelle ». Habile, mais la technique commence à manquer de crédibilité quand on relance pendant plusieurs semaines une multinationale pour répondre d’une pollution conséquente et qu’elle n’y parvient pas.
Chez Katoen Natie, le stratagème employé ressemblait plus à celui d’un François Fillon en fin de campagne présidentielle. Quand j’ai appelé Philippe Aubourg, la personne chargée de répondre à la presse, il a nié.